RUY-VIDAL CONCEPTEUR D'ÉDITION

RUY-VIDAL CONCEPTEUR D'ÉDITION

5. LES IMAGES LIBRES TOTALITÉ DE MES OBSERVATIONS ET DEMANDES DE RECTIFICATIONS

5. LES IMAGES LIBRES. CINQUIEME ÉPISODE.

 

TOTALITÉ DES REMARQUES ET DES AMENDEMENTS

DEMANDÉS AUX ÉDITIONS MeMo

MAIS RESTÉS SANS SUITE

 

 

 

2021 12 09 A CAROLINE LASCAUX

 

        Je reprends, page par page, le texte de LB et vous fait part de mes remarques.

        Remarques qui comportent mes exigences en demandes de corrections et mes justifications.

 

        Dont LB peut ou non tenir compte mais qui conditionne mes autorisations de droits puisqu'il me met en cause.  

 

        Que LB sache que sur ces demandes expresses de correction, je ne céderai pas. Même s'il pense, comme il me l'a prouvé, que ses interprétations valent mieux que mes rapports de faits.

 

        Ceci étant valable pour Delessert et Couratin et pour Janine Despinette.

 

        Je ne transigerai pas non plus sur ma demande d'ajout d'illustrations de quatre artistes que j'ai fréquentés et dont je connais et apprécié le talent et la discrétion : deux que je n'ai pas publié, Philippe Dumas et Georges Lemoine ; et deux à qui j'ai offert la possibilité de produire des livres, le peintre Denis Poupeville et l'illustrateur Alain Letort.

 

***************************************************** 

 

        Voici ici reportées et recoupées tant bien que mal, les remarques que j'ai adressées directement à Loïc Boyer ainsi que celles que je vous ai adressées. Le travail de recensement est tellement épuisant que je ne suis pas sûr, même si j'ai exprimé l'essentiel, d'avoir tout dit.

 

PAGE 7

 

          Le caractère exceptionnel des publications pour la jeunesse éditées
par Robert Delpire n’a pas échappé à Patrick Couratin ou à Henri Galeron,


          La citation limitée ici à Couratin et à Galeron à l'exclusion de Claveloux et des autres illustrateurs-trices français que je côtoyais à cette époque-là, est un signe qui atteste, d'emblée, dès la première page, la préférence et le favoritisme de LB...

 

          Pour ma part, avouant mes lacunes, probablement parce que les livres de Delpire ne franchissaient pas la Méditerranée, je dois avouer qu'étant préoccupé alors de Théâtre pour Jeune Public, je n'avais jamais eu l'occasion de constater le caractère exceptionnel des livres de Robert Delpire.

 

          Caractère artistique de ses livres que je ne conteste pas mais qui m'a échappé et ne m'est apparu qu'après avoir commencé à supposer, en 65-66, me risquer en édition.

 

          ...qui feront les grandes heures des éditions Harlin Quist, mais qui
sont alors encore dans leurs années de formation.  

 

        Je tiens à rappeler à LB ce que je lui ai déjà, maintes fois, dit sans qu'il s'en soucie : j'exige qu'il fasse toujours une distinction très nette entre d'une part la Sarl française Les livres d'Harlin Quist où nous étions 2 actionnaires et dont j'étais, concrètement et juridiquement l'éditeur et, d'autre part, outre-Atlantique, la Harlin Quist Incorporated dont Harlin Quist était seul actionnaire. Société bicéphale cependant puisqu'elle existait aussi bien à Londres qu'à New York en publiant chaque fois, en raison des dissonances de langues, deux versions des mêmes livres.

 

 

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          Fritz Eichenberg peut-il écrire : « Il est bien malheureux de constater
le déclin des célèbres livres du Père Castor de chez Flammarion ; ils
semblent perdre non seulement en dimensions mais aussi en qualité2. »

 

          La réflexion d'Eichenberg est juste mais les explications qu'il en donne méritent plus amples considérations et réfutations.

          Ne serait-ce qu'à propos de l'expansionnisme yankee, qui avait tout intérêt, pour nous fourguer ses productions, même lorsqu'elles étaient concoctées par le Français expatrié Duplaix, aidé en sous-main par le mécénat des sœurs Schlumberger Anne Doll-Gruner et Dominique Schlumberger du Ménil.

 

          L'œuvre d'expurgation montée alors par les Américains en fin de la deuxième guerre mondiale, afin de conforter et de favoriser l'expansionnisme nationaliste de leurs productions américaines pour la jeunesse (bandes dessinées et livres d'images) qui était bien entendu de nature capitaliste – afin de faire des placements et d'en retirer des profits –, leur impliquait de faire croire, puisqu'ils avaient décidé, ce que me proclamera sentencieusement H.Quist dans cette foulée, dix ans après : à savoir que nous n'avions ni bons auteurs ni bons illustrateurs...

 

          En conséquence de quoi, puisqu'ils faisaient de nous des assistés, leurs préjugés et leurs idées reçues faisant le reste, le gros des Américains nous voyaient toujours avec le béret, la baguette de pain et le litron de vin rouge, en décidant, puisqu'ils se pensaient en avance sur tous les plans, que nous n'avions pas d'autres choix que de gober leurs potions.

 

          Ils tiendront par la suite, de la même manière, le même discours radical en refusant nos fromages au lait cru pour nous faire gober leurs Ogn.

 

          Mais l'entreprise inflationniste yankee n'était pas que commerciale puisqu'en pleine guerre froide il fallait à tout prix, sur le plan idéologique, par le biais des jeunes consciences des enfants, envisager l'avenir et la tutelle que les États Unis entendait bien établir définitivement sur l'Europe en défiant l'URSS.

 

          La guerre froide entre les deux blocs qui existait était aussi un bon prétexte. 

 

          La création au nom de cette idéologie impérialiste américaine, des multiples bibliothèques pour enfants en France (celles de Clamart et de l'Ile d'Oléron et les 25 en Grèce créées par Anne Schlumberger Doll-Gruner) que l'on peut bien entendu considérer comme étant des œuvres d'amitié, de soutien et de bienfaisance, témoigne aussi cependant de cette volonté de nous considérer matériellement, mais aussi spirituellement, comme des nécessiteux.

 

          En masquant soigneusement, bien soigneusement les intérêts d'argent !

 

          Ceci avec la complicité de personnes de l'intérieur : les revendeurs de leurs productions et les personnes acquises à ces productions alors que d'autres s'insurgeaient en obtenant même qu'une loi de protection – celle de 49 de protection de la jeunesse – soit votée contre les bandes dessinées particulièrement violentes qu'ils déversaient pour nous contaminer.

 

          Se faire passer pour des hygiénistes était donc un détournement habile qui camouflait des intérêts de marchands de papier !

 

          Mais ces marchands étaient soutenus par des personnes bien placées dans nos institutions de prescription, comme Geneviève Patte par exemple, puisqu'elle se sentait redevable à vie à Anne Schlumberger Doll-Gruner, qui avait un pied en France et l'autre à Houston dans des puits de pétrole, de l'avoir hissée sur son trône de Clamart, à la présidence de La joie par les livres et du Bulletin d'analyse des livres pour enfants – voire pour cela ce qu'elle écrivit en assénant que les affreux livres écrits et illustrés par Paul Galdone dans la collection Aux Couleurs du temps étaient : « pour les enfants le meilleur éveil à l'art »

 

          Parler seulement, sous couvert d'assistance et de mécénat, des bienfaits de ce capitalisme américain, sans noter et signaler en même temps et même avant toutes autres considérations, les préoccupations mercantiles sous-jacentes – je pense en disant cela à Harlin Quist qui était un mégalomane que seul l'appât d'argent rassurait –, qui incitaient ces impérialistes américains et leurs trusts d'édition internationaux d'investir, au prétexte culturel, financièrement, notre territoire et celui des pays européens a longtemps été pour moi, et encore aujourd'hui, alors que  80% de ma famille vit aux USA, la cause d'un écœurement profond.

 


          La Seconde Guerre mondiale a laissé l’Europe en ruines et l’a vidée
de ses forces vives
. Le domaine de la création n’y échappe pas.

 

          L'arrivée en masse des productions américaines était un cadeau empoisonné que nos institutions de culture et d'éducation nationales entérinaient comme si tous les livres et n'importe quels livres étaient des livres respectables et bénéfiques pour les enfants...

         Revoir pour cela le livre de celle que généralement on considère comme une pionnière, Geneviève patte et son Laissez- les lire, pour comprendre que certains d'entre ces livres importés de cette époque d'Après-guerre, pour ne pas dire la plupart d'entre eux, étaient, selon mes observations lorsque je suis entré en fonction d'enseignement en 1951– voire pour cela mon catalogue de 1976 Gare aux faux-livres –, dévitalisés de notre tradition culturelle française en édition pour la jeunesse et carrément fabriqués au mépris de nos auteurs français et européens préférés.

 

1

 

 

          Certains de ses acteurs sont morts, d’autres — particulièrement
dans l’édition — sont empêtrés dans des accusations de collaboration,
beaucoup ont migré vers les États-Unis. George Duplaix, qui avait déjà
un pied sur les deux continents, va y inventer les « Little Golden
Books »
dont on connaît le succès international.

 

          Livres que glorifie Geneviève Patte par obligation de reconnaissance envers sa mécène Anne Schlumberger Doll-Gruner ainsi que Cécile Boulaire soucieuse de se placer dans la hiérarchie pyramidale des institutions d'éducation et de culture restées fidèlement ancrées dans ce créneau de la fin des années quarante, alors qu'ils me parurent lorsque je les ai eu en main en 1950, comme étant de véritables catéchismes pour enfants et des manuels de séduction et d'initiation au modus vivendi américain.

 

        Avec la nette impression, puisque leurs objectifs essentiels étaient de faire valoir, comme si nous étions incultes, les avantages et l'hygiénisme de la civilisation américaine, qu'ils étaient plus des livres de séduction et de propagande que des opuscules d'information et d'éducation.

 

          Je ne voyais que leurs défauts. Ceux qui voulaient nous inciter, par des conseils qui ressemblaient à des injonctions d'adhésion, à adhérer aux bonheurs infinis de la société de consommation américaine.

 

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          ...particulièrement François Ruy-Vidal, alors jeune instituteur féru de
pratique théâtrale.

 

          Non!... Pas seulement de pratique théâtrale mais plus largement et diversement, sous l'impulsion de Christiane Faure et dans le sillage d'Albert Camus dont elle était la belle-sœur, d'action culturelle par le livre et la littérature, les arts plastiques, picturaux et graphiques, et le théâtre.

 

 

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Dans les années 1960, les jeunes qui avaient une certaine ambition esthétique, qu’ils soient illustrateurs, dessinateurs de caractères, graphistes ou autres,
caressaient tous l’espoir d’entrer chez Delpire.

 

       Ce qui fut le cas d'Étienne Delessert, qui était de nationalité suisse comme Delpire et qui, venu à Paris au titre de typographe pour exercer rue Véron chez Hollenstein, rêvait que Delpire prenne son premier livre sans fin la fête.

 

      Alors que Delpire avait décidé – comme il me le dira lorsque nous nous rencontrerons en 1973 pour la première et la dernière fois lorsqu'il me proposa d'entrer dans son entreprise, à condition que je renonce à mon nom –, qu'il ne ferait jamais d'affaires avec : « ce douteux ténébreux fils de pasteur »

 

       Je dois cependant dire que d'une façon générale, en raison probablement de leur statut mal assuré, alors que la plupart des éditeurs en France refusaient de leur établir des contrats juridiquement valables et de leur accorder des droits d'auteur en utilisant leurs œuvres et en les payant au forfait, qu'ils avaient souvent des raisons de se rebeller.

       Je pense que je fus un des premiers à vouloir établir ces contrats d'illustrateurs puisque lorsque je me rendis au Syndicat national de l'édition pour en trouver des spécimens on me répondit qu'ils n'existaient pas et que je n'en avais pas besoin...

 

       Ce qui m'amena à me rabattre sur les contrats américains et à les utiliser après les avoir traduits.

      Tout cela cependant pour dire que Delessert devait certainement souffrir de ces préjudices mais qu'il souffrait aussi de ses avidités de réussites internationales. Venu de Lausanne il rêvait d'avoir le monde à ses pieds.

 

      En tout cas ce que je peux dire est que parmi tous les illustrateurs-trices que j’ai rencontrés, la plupart étaient du genre à penser, par besoin de réussir et d'être reconnu et plébiscité – Delessert en étant, de tous ceux-là, l’archétype –, que l’éditeur n’était qu’un homme de main au service de leur talent.

 

      C’est cette attitude-là que Delessert avait adoptée avec Quist après que je l’aie recommandé lorsque je l’ai rencontré chez Hollenstein à Paris.

 

      Et c’est à cause de son attitude d’arrogance stupide que Quist s'est braqué contre lui après le succès remporté par les deux premiers tomes des Contes de Ionesco, lorsque Delessert le fit chanter en prétendant que ses droits, pour les deux derniers tomes de ces Contes, devaient être majorés.

 

      Mon intuition ne m'avait pas trompé et je me félicitai alors de n'avoir pas voulu établir de contrat directement avec lui.

 

     Tous les contrats pour Sans Fin la fête, l’arbre et les deux premiers Conte de Ionesco qui furent publiés en France, furent signés par moi en mon nom et au noms de la Sarl Les livres d'Harlin Quist mais avec H.Quist qui était pleinement détenteurs des droits de ces ouvrages , selon les contrats établis avec le couple Delessert-Schmid, à l'exception des droits du texte français des contes de Ionesco qui m'appartenaient en indivis avec la Sarl.

        Cela n’a l’air de rien mais cela signifie exactement la méfiance instinctive que j’éprouvais, face au pataud lourd qu’était pour moi le petit suisse prétentieux Delessert.

       

       Une méfiance qu’il sentait car il essaya de me passer la main dans le dos tandis que je lui faisais comprendre, le remettant à sa place, qu’il ne m’aurait pas et qu’il perdait son temps.

    

       les deux derniers étages d’une tour du quartier de Montparnasse.

 

      Il n'y avait pas de tour dans ce quartier, à ce moment-là.

 

      Il me semble que c'était plutôt, puisque c'est là où Delpire me reçut, en 1973, lorsqu'il eut appris que mon association avec H.Q. était rompue, dans un entrepôt à hauts plafonds, qui faisait partie de l'ancienne gare Montparnasse, alors qu'elle allait être démolie.

      Entrepôt où travaillaient pour lui, selon ce qu'il me dit à mon arrivée pour m'impressionner, 200 employés sur des budgets Citroën.

 

 

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       François Ruy-Vidal est de ceux-là : rencontrant Maurice Sendak à New York, il lui lança : « I’ll eat you up ! » — il n’aurait pu le remercier autrement.

 

       Je refuse radicalement que LB écrive cela car il biaise pour ne pas aborder et traiter des vérités qui terniraient le prestige de l'exceptionnel Delessert et du flamboyant Quist qu'il entend dorer et redorer sans se rendre compte que, ce faisant, c'est celui de Nicole Claveloux et le mien qu'il détériore.

 

       Il ment même carrément pour ne pas dire que cette rencontre avec Sendak (qui faisait partie du Jury du New York Times), se passait lors de la remise des prix accordés par ce New York Times aux dix livres les mieux illustrés de l'année 68, parmi lesquels mon premier livre illustré par Nicole Claveloux Le voyage extravagant était cité en première position.

       Récompense qui faisait, dans son pays même, un pied de nez à Harlin Quist qui ne l'avait jamais aimé et qui avait même obligé Nicole Claveloux, pour ne pas lui accorder le bénéfice de pouvoir réaliser ses illustrations en pleine couleurs – comme il l'avait accepté pour Sans fin la Fête et pour L'arbre, réalisés par Étienne Delessert et Eleonor Schmid –, à pré-séparer les noirs de ses illustrations en étant obligé ensuite de disposer ses couleurs sur des kodatraces où elle avait du mal à percevoir les contours de ses illustrations... Travail pénible dont Nicole s'acquitta comme une vraie battante, parce que c'était son premier livre mais aussi parce que c'était déjà une vraie professionnelle alors que H.Q, dans ses dédains et refus de voir la qualité de ses illustrations, prétendaient qu'elles étaient « unprofessional »

 

        Dans cette sélection du New York Times, Delessert tenait la 5 ème place avec ses illustrations du Conte numéro 1.Page 1 du Prix du New York Times (Novembre 1968)

 

 

        Une 5ème place que l'orgueil viril de Delessert avait du mal à digéré.

 

       Au fond cette sélection qui aurait pu être une occasion de bonheur, fut pour moi au contraire, l'occasion de découvrir la mesquinerie de H. Quist et le dépit haineux de Delessert.

 

       Ma rencontre avec Sendak et notre plaisir de nous rencontrer furent la seule satisfaction de cette soirée.

 

       Il est possible par contre que, citant dans le passé cette première rencontre avec lui, au cours de colloques où l'on me questionnait, j'aie pu croire bon et préféré, pour ne pas nuire aux livres publiés et à ceux qui les avaient réalisés et produits, notamment Delessert et H.Q, de ne pas devoir parler de la rancune, voire du dépit et de la haine que H.Q et ED me vouèrent à partir de ces récompenses à mes initiatives...

 

      De là à ne pas vouloir dire comment les choses s'étaient réellement passées, et choisir de faire rire ceux et celles qui m'écoutaient à propos de ce « I’ll eat you up! » était de ma part, si j'ai écrit cela, une attitude de discrétion et de réserve sur ces contrariétés auxquelles j'étais confronté et qui m'avaient terriblement peiné.

 

       Mais c'était aussi pour moi, en même temps, une façon de faire remarquer que généralement, les femmes surtout, ne voulaient pas tenir compte de cette remarque impertinente qui pour la première fois en Littérature pour la jeunesse, dénotait et dénonçait un renversement des rôles adultes-enfants, qui annonçait un peu ce qui n'arrivera qu'en 1989 l'acquisition des droits de l'enfant d'être considéré comme une personne et traité comme tel.

 

        En foi de quoi si LB ne veut pas parler de ces prix du New York Times et du troisième attribué en 1970 aux Télémorphoses d'Alala, je considèrerai qu'il porte atteinte à l'historique de mon parcours et de mes initiatives pour favoriser ceux et celles de Delessert et de H.Q

 

      Le long texte qui suit est celui que j'ai envoyé à LB pour tenter de lui re-expliquer la détérioration de mes rapports avec H.Quist et Delessert à partir de cette remise de prix.

      Faits qu'il connait et dont je lui ai parlé à plusieurs reprises, en lui donnant dernièrement l'intégralité par le détail de cette rencontre avec Maurice Sendak

L'intégralité de ma narration est jointe ici  :

 

      Crois-moi, Loïc, j’ai encore la chance d’avoir toute ma lucidité et ma mémoire et je ne crois pas t’avoir dit, et n’avoir jamais dit autre chose à personne, que ce que je t’ai rappelé : à savoir que le premier salut que Maurice Sendak me fit, lui et pas moi – Puisque je ne l’avais jamais rencontré auparavant en ignorant même qu’il faisait partie du jury du New York Times qui avait attribué à mon livre Le voyage extravagant, illustré de manière très moderniste par Nicole Claveloux, le premier prix des dix meilleurs livres de l’année et à Conte Numéro 1 d’Eugène Ionesco illustré par Étienne Delessert, la cinquième place –, fut cette phrase, terrible pour moi : « At least I met the french shadow !»

 

      Phrase qui aurait pu passer comme une boutade sans importance alors qu’elle me mettait soudain devant un fait accompli : Pour New York, alors que cela faisait trois années que je travaillais à donner mes idées d’édition à Harlin Quist et à Joan Bradford son directeur artistique, je n’existais pas.

     HQ, jouant les surhommes avait soigneusement et traitreusement, pour passer comme l’initiateur de ce que j’avais contribué à améliorer et à faire évoluer dans le sens contemporain du terme dans ses productions, rayer mon nom de tout ce que je lui avais apporté, y compris de ces deux livres qui étaient primés, alors qu’il avait même, pour ce qui était du Voyage extravagant et des illustrations de Nicole Claveloux, eut beaucoup de mal à reconnaître leurs singularités et leurs qualités d’originalité et de maîtrise... En allant jusqu’à essayer de m’interdire même, à la Foire de Francfort de l’année précédente, de montrer aux éditeurs étrangers qui venaient sur notre stand, les illustrations du livre en cours parce qu’il ne les aimait pas et qu’il avait trouvé comme prétexte de dire qu’elles étaient « unprofessional »

       En somme, il fallait bien que je me fasse une raison, cette boutade m’ouvrait les yeux et elle était venimeuse. Sendak qui n’aimait pas Harlin Quist, lequel était, ce soir-là, dans ses petits souliers, tenait à jouer, devant la parade élégante de la plupart des membres représentatifs de l’édition pour enfant newyorkaise, l’éditeur supporter compatissant de l’auteur que j’étais mais pour mieux masquer le rôle d’initiateur décisionnaire que j’avais été pour ces deux livres qui venaient d’être primés.

 

        Que le lecteur comprenne bien que ces deux prix faisaient de moi, pour des raisons d’orgueil professionnel, le concurrent vainqueur à la fois d’Harlin Quist et d’Étienne Delessert, et donc, parce qu’ils étaient vaniteux et qu’ils ne se le pardonnaient pas, leur ennemi pour toujours.

 

       Cela dit, ce soir-là, après avoir dégluti l’accueil confraternel de Sendak et sa phrase révélatrice, tandis qu’Harlin Quist reprenait contenance et qu’Étienne Delessert s’éloignait pour ne pas participer aux différents hommages que je recevais, je compris que Sendak se servait aussi de moi – comme il me l’avouera par la suite puisque nous devînmes amis –, pour se venger d’Harlin Quist dont il détestait l’arrogance et son utilisation abusive dans la promotion de ses livres d’une citation d’un prescripteur célèbre (dont j’oublie le nom) qui, à propos des premiers livres d’Harlin Quist avait parlé de perfection : « As perfect as a children book can be ! »

 

         ... Oui, le premier salut de Sendak, fut de me dire, en ouvrant largement les bras et en se foutant carrément de la gueule d’Harlin Quist qui était à mes côtés : « At least I met the french shadow !» 

 

        Puis effectivement, plus aimablement et par courtoisie, tandis que nous nous découvrions l’un à l’autre, mais finement de sa part car il voulait toujours, par simple curiosité humaine, savoir ce que chacun de nous avions dans le ventre, pourquoi j’avais écrit mon livre et pourquoi j’avais aimé le sien...

 

        Maurice Sendak menait une enquête et en investigateur tenace, comme s’il voulait trouver en nos deux livres des racines communes, il me questionnait pour connaître les raisons qui m’avaient incité à écrire le voyage extravagant... Si bien que, alors qu’Harlin Quist participait encore à notre entretien, je fus forcé de lui dire, mais en riant un peu pour faire passer mon énormité que c’était à partie de lui, H. Quist in person, et de sa grande bouche, parce qu’il voulait convaincre la terre entière qu’il était en toute occasion plus lucide et plus intelligent que les autres... que j’avais trouvé ma première inspiration...

 

        Ce que Maurice Sendak approuva aussitôt en riant puisque c’est sous ce jour-là que la réputation de Quist s’était faite à New York...

 

       Puis, nous bavardâmes et passant d'une chose à l'autre, en bon retour de réciprocité, je lui ai parlé de son livre Where the wild things... en lui rappelant effectivement qu’il avait eu le mérite, pour la première fois, dans la littérature pour la jeunesse, de renverser les rôles de dévoration qui sont généralement réservés aux ogres et ogresses dans les contes pour enfant, ou même à des adultes, dans la vie de tous les jours, nullement chargés de mauvaises intentions, dans les rapports amoureux par exemple, entre gens qui s’aiment et qui veulent intellectuellement et affectivement s’approprier et se nourrir de la chair de ceux qu’ils aiment et notamment des plus jeunes voire des bébés...

       Insistant, parce que je lisais en lui et que je voulais mieux le comprendre et le connaître, pour qu’il me dise ce qui de lui, en lui, avait motivé l’invention et l’accouchement de son personnage et, en lui parlant comme si je généralisais, je me mis à évoquer ces phrases que souvent nos mères, ou nos pères parfois, prononcent inconsciemment sans tenir compte, ni avoir notion de la gravité et de la portée de leurs désirs charnels : « je vais te manger ... Miam, miam je vais te dévorer... etc... »

       Phrases de tendresse et d’amour qui n’ont pas forcément des finalités incestueuses mais qui, reprises, retournées et régurgitées par Max, le protagoniste de Sendak, l’enfant prototype se positionnant à égalité, face à sa mère, en lui disant que c’était lui maintenant qui allait la manger... renversait totalement la situation adulte-enfant, mère et fils, en réclamant une sorte de considération d’indépendance et d’autonomie, attestant par là et prouvant, jusqu’à la provocation, qu’il était maintenant devenu une personne...

 

        En pédo-psychanalyse, ce renversement des rôles est d’une importance capitale. Et Sendak m’avouera, lors de notre deuxième et troisième rencontre, pour se déculpabiliser sans doute, que c’était son amour pour sa mère qui avait été la cause de son homosexualité et qu’il avait eu conscience de s’en libérer en inventant son petit personnage et ces monstres dont il devenait le roi.

 

         Ce « je vais te manger » est ainsi, de la part du protagoniste créé par Sendak, une preuve de réclamation d’indépendance et d’autonomie que généralement les femmes ne voient pas, ou dont elles ne veulent pas prendre conscience.

        J’ai plusieurs fois fait le test avec des amies et ai vérifié ce que j’avance. Pour ne citer que 2 cas précis, je mentionnerai :

         1. Monique Bermond, qui, la première, en 1967, lorsqu’elle me demanda de parler de l’album dans la traduction de Max et les Maximonstres qu’en avait fait Robert Delpire, à son émission de France Inter, Livre ouverture sur la vie ... Album qu’elle trouvait déplaisant et horriblement gratuit sans voir l’allusion de Max à sa mère qui était pourtant la raison et le point de départ de toutes les monstruosités...

         2. Dans un second temps, plus récemment, en 2018, c’est Sophie Heywood qui me prouva que la menace de provocation de Max passait encore et souvent inaperçue...

 

        En tous cas, toutes deux n’avaient pas relevé ce « je vais te manger » qui voulait dire clairement : « c’est à moi, à mon tour, maintenant, de te manger et d’être considéré parce que je suis grand ! »

 

        Je te rappelle, mon cher Loïc, que les archives des Bocquié-Bermond sont à Nantes pas trop loin de MeMo

 

 

     Notons enfin que les Éditions du Cerf, propriété de l’ordre dominicain, profitant de l’ouverture du concile Vatican II en 1962, se lancent dans la publication d’albums pour enfants avec l’aide du prêtre Maurice Cocagnac.

 

        ...du Frère prêcheur Maurice Jean Cocagnac, prénommé et signant Augustin Maurice Cocagnac ou plus couramment, par référence à saint Augustin, A.M. Cocagnac.

 

       Le père Cocagnac de famille provinciale, né à Tarbes avait été, comme il le disait lui-même, un gosse de riches qui, venu à Paris pour suivre ses études, avait été élève du Lycée Charlemagne puis de l'École des Beaux-Arts de Paris en section architecture. Ses goûts et ses voyages le portèrent au japon surtout car il était très admirateur de l'apparente simplicité et de la sobriété graphique d'expression des estampes japonaises...

 

 

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PREMIERE ÉPOQUE

 

la place qu’occupera François Ruy-Vidal est claire : il appliquera une véritable
politique éditoriale d’une part....

 

 

       Il faut qu LB ajoute où était cette place et dire qu'elle fut la première étape de mon parcours comprenant une série de cinq étapes en édition. Car les époques de LB ne sont pas mes étapes et pourrait prêter à confusion.

 

      Ma première étape d'édition est donc celle qui ne se concrétisa qu'après deux années d'hésitation avec Harlin Quist, et qui se déroulera dans le cadre de la Sarl française Les livres d'Harlin Quist dont j'étais l'éditeur, dont Harlin Quist et moi étions associés et actionnaires, tandis que ce dernier était seul actionnaire, puisque je n'avais pas voulu être associé à sa première holding, de la Harlin Quist incorporated, domiciliée aussi bien à New YorK qu'à Londres .

 

 

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       Deux ans plus tard, en 1966, réapparaissent les Harlin Quist Books mais, cette fois, l’éditeur a monté sa propre société, accompagné du directeur artistique, John Bradford qui le secondait déjà chez Dell.

 

       Et sur mon conseil, puisqu'il m'avait demandé que nous nous associons alors que par prudence je voulais savoir d'abord où je mettais les pieds, j'avais pris, à la demande d'Harlin Quist, les responsabilités, avec John Bradford pour conseil, de restructurer toute la production des livres que Quist avait produits chez Dellacorte pour une réédition et obtenu que certains des livres édités en paperback soient agrandis et élargis pour être réédités sous reliure cartonnée avec jaquette.

      Insistant pour que soient adoptés des formats carrés ou à l'italienne – format haï des libraires parce qu'ils débordaient des rayonnages habituels de leur boutique –, afin de favoriser des panoramiques propices, en raison de leur élargissement horizontal, aux illustrations.

       Tandis que j'incitais vivement par ailleurs HQ à solliciter des auteurs américains contemporains de renom dont notamment parmi les Américains J. D. Salinger et Carson Mc Culler, alors qu'il préférait, parce que c'était plus facile, contacter des agences littéraires qui, selon les coutumes aux USA – pratiques qui était très peu répandues en France –, était chargées de promouvoir les auteurs dont elles géraient les droits.

 


        C'est donc par des agences que H.Q. obtint les droits des quatre premiers livres d'auteurs contemporains qu'il publia, sous forme cartonnée et sous jaquette mais qu'il édita encore dans ce format de type scolaire que je haïssais et qui me fit reporter la légalisation de notre association et donc de la création de la Sarl française.

 

       Pour lui prouver que je ne céderai pas je m'improvisai maquettiste et me mis à réaliser, à partir du premier tome de Gertrude's Child de Richard Hughes, qu'avait illustré Rick Schreiter une maquette au format italien.

       En allant jusqu'à user de chantage pour le convaincre : Où il m'entendait et adoptait le principe d'élargissement des formats et mon idée de solliciter des écrivains contemporains où je refusai pour l'avenir toute forme de collaboration avec lui.                                                    

Numériser0001

 

       c’est surtout The Tree, ouvrage réalisé par Eleonore Schmid, et conçu par Etienne  Delessert, qui va le plus marquer.

 

      LB invente-là, de toute pièce, une explication favorisant les initiatives de Delessert comme si Eleonor Schmid était sous sa coupe.

       Il raisonne-là, parce qu'il n'a pas connu le caractère entier et entêté d'Eleonor Schmid alors qu'elle ne passait strictement et absolument rien à la volonté dominatrice d'Étienne et ne lui accordait que la signature du texte de son projet alors qu'elle en était, de bout en bout, l'instigatrice.

       Leur désaccord à propos de ce livre fut l'amorce de leur divorce qui arriva peu de temps après.

       Je dis cela parce que j'y fus mêlé et d'autant plus facilement qu'Eleonor acceptera sans rechigner toutes les extensions de son texte de l'Arbre que mes élèves du CE 2 de la rue de Picpus à Paris avaient apportées lors de nos séances de travail au cours de l'année scolaire 65-66 où j'avais repris une classe.

      Texte enrichi que Delessert signa et endossa sans le moindre mouvement de remerciement.  

       Pour le rappel, une fois encore, je répète à LB que j'ai quitté le Théâtre de la Clairière, en raison des différends que j'avais avec Mathilde Leriche des CEMÉA, à propos des demandes que j'avais faites en 1963 à Eugène Ionesco, Marguerite Duras, Jean-Claude Brisville et Samuel Beckett de contribuer, en écrivant des pièces de théâtre, à régénérer le Théâtre pour jeune Public.

 

 

....en français sous le label... Un livre d’Harlin Quist.

 

 

       Non mais édité par FRV dans la Sarl française Les livres d'Harlin Quist nouvellement créée.

 

       Car entre-temps a eu lieu la rencontre avec François Ruy-Vidal. Si, à l’origine, Harlin Quist envisageait d’en faire un simple agent en France...

 

       Ce n'était pas un agent mais un représentant que cherchait exactement HQ et la proposition de ce poste que je ne recherchais pas, avait été diligentée par Missis Bradley, qui gérait un bureau d'agence littéraire dans L'Ile saint Louis et qui était l'agent de mon ami, le poète américain; John Ashbery.

 

        Agence vers laquelle Harlin Quist avait été automatiquement ramené, qui lui avait permis de rencontrer Ashbery, qui l'avait rabattu vers moi, au cours d'une représentation à Bobino de L'étrange invitation, de Louis C. Thomas, que j'avais montée avec Miguel Demynk et dans laquelle je tenais un rôle...

 

1964-1965

 

 

        Mais, comme on peut bien le comprendre, même si j'étais encore sous le coup du refus de Mathilde Leriche d'accepter mes propositions de régénération du Théâtre pour jeune Public, la proposition de devenir un représentant de celui que nous appelions “l' amerloc” entre nous, Patrick Mac Avoy, Françoise d'Eaubonne, Nicolas Genka et moi, dans « le bocal » de St Germain des Près où nous avions pris des habitudes et des rites d'une bande de zozaux, n'était pas du tout du niveau de mes espérances, puisque j'avais pris, dès 1947, l'engagement de servir, dans le sillage de Camus, sous l'égide de Mlle Faure, l'action culturelle, et uniquement l'action culturelle, au service de quoi je souhaitais et voulais m'investir.

 

      Nous avions même baptisé HQ, pour nous moquer de son arrogance de parvenu, d'un autre surnom, celui de Go-homme... Surnom qu'avaient donné dans le roman sulfureux Jeanne la Pudeur, que Nicolas Genka avait publié Chez René Julliard – en se voyant infliger trente années d'interdiction de mise en vente de son livre pour impudeurs caractérisées par décision du Tribunal de censure de l'époque – les autochtones bretons racistes du village natal de l'héroïne du roman, à l'ancien GI noir – "galvanized iron" (1928), proprement "fer galvanisé"–, qui, resté en France après avoir servi dans l'armée de libération pour libérer la France, l'accompagnait dans son retour au pays et partageait sa vie.  

 

François Ruy-Vidal fait preuve d’un enthousiasme tel qu’il va s’impliquer bien davantage.

 

         Non. Vraiment aucun enthousiasme mais plutôt beaucoup de méfiance!

 

Cet instituteur qui pratique le théâtre contemporain

 

        Non pas!... Mais aussi et plutôt qui a été l'élève de Christiane Faure, belle-sœur d'Albert Camus, Professeure d'animation culturelle à l'École Normale d'Instituteurs d'Oran, celle qui avait été recrutée par René Capitant, ministre de l'Éducation nationale du Gouvernement provisoire de la République Française à Alger, en dissidence avec le gouvernement de Vichy...

 

      Gouvernement qui confirmera le vote des femmes et qui permettra à Christiane Faure de fonder les Mouvements de Jeunesse et d'Éducation Populaire...

 

       Après avoir été son élève et avoir accompli mes trois années d'armée de 54 à 57, c'est avec elle qu'à mon retour, faisant partie de l'équipe de son association l'AEAJ (Association d'Éducation Artistique pour la Jeunesse) nous fondâmes le festival de Théâtre de Mers-el-Kébir en me réengageant, dans le sillage de Camus et de Jean Vilar, pour mener et servir avec elle, puis sans elle après la mort de Camus en janvier 60 et l'indépendance de l'Algérie en 62, l'action culturelle sous toutes ses formes, par le livre et la littérature, les arts plastiques en général, la peinture et l'illustration en particulier, et aussi, le théâtre....

 

 

(Le Géant égoïste, Qu’est-ce qu’un enfant ?, L’Histoire des quatre petits enfants qui firent le tour du monde ... etc... )

 

        Non pas et cætera mais, simplement, Les délicieuses prunes du roi Oscar le méchant écrit et illustré par Rick Schreiter.

 

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PAGE 34

 

En 1967, année du Summer of Love, une SARL est enregistrée, Les Livres d’Harlin Quist,

 

        Non mais plutôt : FRV consent enfin, après plusieurs hésitations et remises en question, à devenir éditeur et il fait enregistrer, à Paris, une Sarl française Les livres d'Harlin Quist totalement indépendante de la Harlin Quist incorporated

 

 

Mais c’est surtout l’annonce publicitaire en quatrième de couverture de ce numéro qui retient l’attention des amateurs : à la manière d’un catalogue, une photographie dans des tons verdâtres

 

       Décidément LB ne veut pas consentir à avouer que c'est le scan de cette couverture qui est glauque ou verdâtre alors que le vert sur lequel les couvertures de livres d'H.Quist sont disposées est d'un très beau vert tendre, un vert tilleul qui s'harmonise parfaitement avec la multiplicité des couleurs de l'ensemble des couvertures

 

...de tout jeunes artistes français qui se pressent pour se mettre au service de la maison Harlin Quist.

 

        En France c'est au service de la Sarl française Les livres d'Harlin Quist qu'ils s'adressaient. La maison Harlin Quist se trouvait à New York et, en raison des 2 faillites que subira H. Quist, elle eut plusieurs sièges dont le plus valable fut le bureau de 9 m2 dans la 32 ème rue, tout près de Grand central Station et de La New York Public Library (NYPL)

 

Il est d’ailleurs intéressant de noter que paraît dans le même numéro de Graphis une page de publicité pour la collection « Actibom », beaucoup moins inspirée.

 

        Mais rien de moins étonnant puisque Robert Delpire était suisse.

 

 

PAGE 36

 

Étienne Delessert, dont les illustrations circulent de l’édition jeunesse à la presse adulte en passant par la communication, fait figure d’exemple. Sans fin la fête, publié chez Harlin Quist en 1967, est son premier livre pour les enfants.

 

       Publié à New York par la Harlin Quist incorporated en 1967 puis édité quelques mois après par FRV dans la Sarl française Les livres d'Harlin Quist

 

          La plupart des jeunes artistes qui nous occupent avaient alors une académique mais solide formation dispensée par les écoles des beaux-arts réparties un peu partout sur le territoire hexagonal.

 

        Certainement pas !... Puisque d’une façon générale et unanime l’illustration, en tant que genre, était considérée dans ces institutions plutôt conventionnelles et réservées au fils de la haute, comme un art mineur et donc à ne pas considérer comme faisant partie d’une expression artistique créatrice.

 

 

 

PAGE 38

 

Il lui propose d’abord d’illustrer un texte de son cru, Le Voyage extravagant de Hugo Brise-Fer

 

        Un texte que m'avait inspiré la grande bouche d'Harlin Quist. Lequel essayait toujours en parlant fortement, en gueulant le plus souvent, d'imposer ses points de vue mal étayés en prétendant avoir toujours le meilleur avis que tout le monde sur toutes les questions.

 

          Cette approche vaut aussi pour les images :

 

          Mon premier principe, dès mon arrivée en éducation, en 1951, j’avais 20 ans, encore en stage de formation à l’École Normale d’Instituteur d’Oran, fut de ricaner à propos du terme image, toujours supposé, dans l’esprit des gens par être connoté de sagesse : “sage comme une image”, “image à bon dieu” etc...

          Alors que le terme “illustration” s’imposait pour moi comme étant celui d’une accession et d’une permissivité à plus de liberté d’imagination et de création.

 

 

Nous sommes alors en 1968 et paraît le Conte numéro 1 pour enfants de moins de trois ans d’Eugène Ionesco, qui élève Etienne Delessert au rang d’illustrateur majeur du mouvement en cours.

 

          Ce sont-là des propos partisans.

          Pour moi Duhême, Sendak, Ungerer, Topor, Claveloux, Carrelman, Folon, Corentin, Desclozeaux, Dumas, Lemoine, Gauthier, Letort, Poupeville, Constantin... étaient avec Delessert, Couratin et Galeron des modèles certes de styles et genres différents mais tous insurpassables.

 

         LB devrait avoir l'humilité de dire « selon mes goûts, mes points de vue et mes critères graphiques » plutôt que d'imposer aux lecteurs son jugement.

 

 

...quand Delessert avait refusé à ses éditeurs d’illustrer les textes d’autres auteurs à moins qu’il ne s’agisse de Beckett ou Ionesco, il avait, sans le vouloir, rejoint l’ambition de François Ruy-Vidal.

 

          Là c’est carrément un renversement de vapeur. Voilà que LB plaide pour que le mensonge de Delessert devienne une vérité sacralisée.

          Compulser les deux livres – Franz Tovey and the rare animals et Horns everywhere –, que Delessert avait concocté avec sa première épouse Eleonor Schmid et qu’Harlin Quist publia alors que, les trouvant débiles, j’ai pris, moi, petit instit – selon les termes dont Delessert parlait de moi –, refusé de publier en France, donne une idée très précise des options qu’avaient choisies Delessert en 1966 en matière de livres d’enfants.

 

          Considérations et constats que j'ai faits mais qui n’excluent en rien le talent de Delesert, ni ses compétences et possibilités artistiques, mais qu’il réservait aux adultes.

 

          C’est donc moi qui ai refusé d’entrer dans son jeu et ses plans et qui l’ai forcé, conforté par le jugement que Lavinia Russ avait porté sur Sans fin la fête en écrivant dans Publisher Weekly que c'était « Le livre le plus désagréable de l’année », par mon refus et par mes convictions en une littérature d’écrivains plutôt qu’en des ânonnements de vocabulaire et de langue pondus par des spécialistes de littérature enfantine, à changer de braquet.

 

        Pour Ionesco, ainsi que pour Duras, Brisville et Beckett que j’avais contactés en 1963 pour qu’ils écrivent pour le Théâtre pour jeune public, s'il y eut une rencontre heureuse, elle provint certainement du fait que Delessert avait certainement entendu que j'avais déjà contacté Ionesco, Duras, Brisville et Becket.

 

        A croire que Delessert connaissant mes projets faisait semblant de me provoquer pour laisser penser qu'il n'allait pas dans mon sens en me suivant.

 

       C’est ce fait-là, celui de suivre et de ne pas être le premier à avoir eu l’idée qui primait, qui a toujours primé et qui lui était, par orgueil, insupportable.   Comme s'il considérait, s'il n'était pas l'initiateur du projet, le fait de rallier le projet initié par un éditeur, un directeur de collection ou un concepteur, comme une lâcheté, une déficience d'imagination ou une indignité...

 

       En réalité ce qu'il me reprochait était, à partir de la leçon que je lui avais donnée en refusant les deux navets qu'il avait publiés et qu'il souhaitait que je reprenne en France, de l’avoir mouché en lui prouvant que j'avais de meilleures idées que lui.

      Au lieu d'un partage avec Quist ou avec moi-même, par ambition et par stupide orgueil, Étienne Delessert choisissait d'établir systématiquement, pour ne pas dire merci probablement, un rapport de concurrence qui, pour ce qui me concernait, portait à faux parce que je n'envisageais pas mon rôle et ma fonction, que je voulais de catalyse, dans un rapport de compétition et d'agressivité.

 

      Que son sale esprit le mène à souhaiter ma mort (message que je tiens à votre disposition) est tout de même assez symptomatique de sa hargne à vouloir toujours être le premier et meilleur.

 

      LB plaide pour lui dans ce sens et cela me surprend et me peine.

 

      Cette compétition concurrentielle est aussi valable pour Couratin d’ailleurs et pour Galeron. Tout trois me limitant, comme je l'ai déjà dit, avec l’appui de Defourny et de François Vié, à des compétences de « petit instit’ »

 

      A croire que la condamnation d’art mineur portée sur le genre illustration en général et sur les illustrateurs en particulier, incitaient d’emblée ces illustrateurs à vouloir se survaloriser, pour assurer leur statut d’artiste, en prétendant avoir toujours eu, en matière de littérature pour la jeunesse et au mépris des éditeurs, concepteurs, directeurs de collection et des auteurs, toutes les initiatives créatrices.

 

 

En 1969, alors que sort aux États-Unis The Forest of Lilacs de la Comtesse de Ségur, imagé à l’encre sépia par Nicole Claveloux, celle-ci est précisément à New York pour concevoir les dessins d’Alala : Les Télémorphoses.

 

      Le livre de Nicole Claveloux eut beucoup de retentissement et donna suite, dans le même style, à La belle et la bête publiée par Christian Bruel et repris par Thierry Magnier.

 

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 PAGE 40

 

C’est finalement, sur le conseil de Claude Roy, Jacqueline Duhême qui s’en charge à l’automne 1968,

 

      Je m'étonne que LB n'ait pas cru bon de choisir une seule illustration de cette artiste alors qu'elle est beaucoup plus incontournable pour moi et pour bien des passionnés-ées collectionneurs d'albums pour la jeunesse que Delessert, Couratin et Galeron.

 

5

 

 

il se fait distributeur de prospectus pour Salespower.

 

          Ce n'est pas Salespower mais Manpower dont L’homme de Vitruve de  Léonard de Vinci était l'emblème...

 

   ... Ce qui semble-là un détail est pour moi, parce que j'ai 90 ans et que je vais bientôt entrer dans le domaine des ombres, une pierre de touche. Car je pense que je dois me battre, tant que je suis sur terre et que j'ai ma lucidité, pour que rien de ce que j'ai vécu ne soit laissé dans l'ombre...

 

      En l’occurrence, cher Loïc, je dois te demander de rectifier : ce n'est pas chez Salespower mais chez Manpower que j'ai été employé... Ils avaient un bureau dans le début de la rue Saint Maur tout près de mon appart du 54 rue de Montreuil qui était devenu, puisque nous habitions Boissy Saint Léger, le bureau, non-autorisé, de la Sarl Les livres d'Harlin Quist où Quist logeait quand il était à Paris pour ne pas avoir à payer un hôtel.
        Sur la vitrine de l'agence Manpower était placardée, en grand, une repro de l'Homme de Vitruve.  

 

Il est vrai qu’un ouvrage proposé par le maître polonais avait été refusé par l’éditeur parisien ; une manière de se retrouver ?

 

       Oui et non, car le projet de livre était très violent mais très succinct. C'était un  tract plutôt en forme de plaidoyer graphique sommaire qui disait “Non à la guerre au Vietnam”.

 

       Projet qui tenait à cœur à Roman Cieslewicz mais qu'il voulait voir surtout publié par Harlin Quist aux États Unis, alors que pour ces questions politiques comme pour les questions des Droits civiques à accorder aux Noirs, Harlin Quist en bon WASP qu'il était, avait choisi des positions qui l'apparentait plutôt à la droite réactionnaire.

 

       Je fis de mon mieux en proposant d'aider Cieslewicz à publier son opuscule mais il déchanta. Le public et le marché français ne s'intéressaient plus à la guerre du Vietnam qui était devenu un problème uniquement américain.

 

 

PAGE 42

 

ce livre, comme Andromedar SR1, paraît en revanche sous le label Un livre du cyclope, marquant le souhait de François Ruy-Vidal de distinguer ses initiatives de celles de son associé, Harlin-Quist

 

COUV

 

      Non, c'était plutôt, encore, parce que je répugnais à l'idée que mon nom figure en couverture et que j'aurais plutôt préféré que ce soit une petite coopérative d'édition qui choisisse d'apposer sur chaque première de couverture quelques mots qui fassent rêver et incitent à voyager, en guise de deuxième titre

 

lui demandant expressément de faire de cet ébouriffé un hippie vêtu à la manière de Jimi Hendrix.

 

      Mon fils, sans adopter de costume ni de kaftan, refusait de se laisser couper les cheveux en me traitant de bourgeois et c'était bien suffisant.

 

Numériser0074

 

 

 

PAGE 57

 

         A l'illustration choisie par LB je préfèrerai les trois couvertures du Voyage extravagant qui sont bien dans le ton de mon conte-fable surréaliste.

Ce qui bien entendu contrarie les dires de LB puisque, page 144 où il parle des illustrateurs de type surréalistes, il exclue Nicole Claveloux...

                  A corriger donc!

 

 

05Hugo01 - Copie

 

 

 

couv anglaise

 

 

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PAGE 62-63

 

 

Le scan de l'illustration est mauvais il faut le refaire à partir d'un livre propre.

 

 

PAGE 77

 

Outre cette merveille, il faut lire L’Oiseau qui radote, conçu avec Nicole Claveloux, mais dans lequel sa griffe (couleur, composition) prend le dessus.

 

Oiseau qui radote 01

 

 

          Ce livre fut fait à ma commande pour prouver que les couleurs (marrons, noirs, verts bronze et violets) jugées affligeantes et déprimantes par le dogmatisme catholique et par les dames assurant la direction de Bayard Presse, pouvaient être décodées et recodées artistiquement afin d’être dynamisantes.

 

          LB qui connait cette justification ferait pas mal de se référer aux sources plutôt que de traiter, en se croyant plus habile, le sujet de manière aussi superficielle.

         

On trouvera bien sûr des similitudes formelles entre les travaux de certains membres des Push Pin et les inventeurs de cette nouvelle littérature en couleurs,

 

Encore cette expression!

 

 

PAGE 77

 

partir de reprises d’éléments graphiques du 19 e siècle —

 

      Pourquoi ne pas employer les termes exacts pour citer ces gravures anciennes et la manière et les procédés divers d'en réaliser les matrices et de les reproduire ?...

 

  

 

PAGE 78

 

          Patrick Couratin se contentant de réaliser la couverture pour assurer une cohérence avec les autres titres de la série.

 

        Non! préciser plutôt que Patrick Couratin assuma, à ma demande, le design des 4 couvertures de ces Manipules.

 

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PAGE 79

 

Bernard Bonhomme pour le premier volume, puis Yvette Pitaud, Tina Mercié et enfin le couple France de Ranchin et Jean Seisser.

 

Numériser0004

 

       Bernard Bonhomme et Nicole Claveloux pour le 1er volume,Yvette Pitaud pour le 2ème, Patrick Couratin et Tina Mercié pour le 3ème et enfin le couple France de Ranchin et Jean Seisser pour le 4ème

 

 

          Il reprend la manière évoquée un peu plus haut pour Ah! Ernesto ou simplement celle que l’équipe de Delpire mettait en œuvre dans ses « Actibom » en agrandissant des vignettes en noir et blanc à l’échelle de l’affiche

 

       Cette “ manière” d’utiliser des gravures anciennes n’est pas née d’hier.     

      H. Quist, conseillé par John Bradford, l’avait utilisé magnifiquement dans un livre The house that Jack Built qui faisait partie des premiers livres que je souhaitais, en 1965, éditer.

      Marguerite Duras souhaita, lorsque nous envisageâmes l’illustration de Ah ! Ernesto que les illustrations soient de trois genres : des gravures anciennes pour que le livre soit placé dans une dimension historique; des photos pour que le petit Ernesto soit représenté dans une réalité incontestable; et de la bande dessinée pour qu’il soit dépeint dans une liberté de contestation animée et en mouvement, dans une actualité dynamique.

 

 

PAGE 81

 

Les livres d’Harlin Quist, comme leurs illustrateurs, sont regardés avec intérêt par les directeurs artistiques du monde de la publicité

 

       Cette généralité en faveur d'Harlin Quist est sotte. Il vaudrait mieux prendre quelques exemples : Nicole Claveloux avec Mamie Nova  ou l'oiseau d'Auchan, Gauthier avec les Chaussures Bailly, Corentin avec des meubles de rangements...etc...

 

 

PAGE 102

 

DEUXIEME ÉPOQUE

 

Quand s’achève l’aventure des Livres d’Harlin Quist à la fin de l’année 1972,

 

      Quand FRV décide de ne pas payer la facture de fabrication des films du Galion qu'Harlin Quist veut faire endosser à la Sarl française qui porte son nom en prétendant qu'elle lui appartient et que le Tribunal de commerce de Paris bloque, sur plainte du photograveur et du syndicat national de l'Édition, le compte bancaire de la Sarl  

 

          la Dompteuse et le Musicien, texte de l’homme de théâtre Charles Charras, qui marque l’arrivée d’Henri Galeron dans le monde de la littérature en couleurs,

 

          Encore cette expression, dont LB voulait faire son titre, alors que manifestement, comme je m’en aperçois en découvrant son texte, il ne veut parler et il n’est capable de parler que de Delessert et de Patrick Couratin et de ce qui le préoccupe et le fait vivre : le graphisme.

 

          Ce graphisme étant considéré comme la base et l’essence des arts d’expressions graphiques alors qu’il n’est que le costume visible de ce qui le sous-tend. Sans soutenance de fond et de contenu, le graphisme n’est que pure acrobatie.

 

          Nicole Claveloux considérait qu’il était, ou non, partie intrinsèque de ses illustrations. Ce qui me permet de dire qu’il n’est qu’une structure superficielle rapportée, de pur esthétisme dans le meilleur des cas, lorsque le contenu des illustrations est inconsistant.

 

          Plutôt que de prétendre traiter de littérature pour la jeunesse, ce livre de LB devrait se contenter d’être un catalogue recensant, parmi celles qui sont parues depuis le début des années 60, les images et les illustrations qui lui plaisent, en se limitant à ne faire que des éloges pour ceux qui les ont réalisés.

 

La plupart des auteurs que François Ruy-Vidal a publiés ou qu’il admire font alors partie de l’écurie Gallimard (Ionesco, Duras, Brisville, Tournier, Quignard, Reumaux…).

 

         Non. Je n'ai jamais publié Patrick Reumaux.

 

 

C’est finalement pour les éditions Grasset & Fasquelle que François Ruy-Vidal va créer dès 1973 un département jeunesse. Son souhait de distinguer les livres qu’il a conçus de ceux d’Harlin Quist l’amène à développer un projet de collection identifiable : les « Album 3 pommes »

 

Très audacieuse et colorée, cette série de quatorze titres adopte des partis pris graphiques variés mais toujours radicaux...

... Les textes appartiennent à des registres différents et furent parfois associés après coup à une série d’images.

 

la délicatesse des dessins de Tina Mercié, la géométrie gouachée de France de Ranchin sont autant de manières de faire des images pour l’enfance

 

        Non ! Pas des images mais des illustrations parce qu’elles offrent l’avantage d’avoir des arrières plans en abîmes et à tiroirs et qu’elles sont plus que les images peuvent l'être, porteuses polysémiques et incitatrices de réflexion.

 

...De nouveaux illustrateurs qui n’avaient pas participé à l’aventure des Livres d’Harlin Quist.

 

la Dompteuse et le Musicien, texte de l’homme de théâtre Charles Charras, qui marque l’arrivée d’Henri Galeron dans le monde de la littérature en couleurs,

 

          Encore cette expression littérature en couleurs qui revient tout au long du texte de LB comme un leitmotiv, dont LB voulait faire son titre, alors que manifestement, comme je m’en aperçois en découvrant son texte, il ne veut parler et il n’est capable de parler que de Delessert et de Patrick Couratin et de ce qui le préoccupe et le fait vivre : le graphisme.

          Ce graphisme étant considéré comme la base et l’essence des arts d’expressions graphiques alors qu’il n’est que le costume visible de ce qui le sous-tend.

 

         Sans soutenance de fond et de contenu, le graphisme n’est que pure acrobatie.

 

         Nicole Claveloux considérait qu’il était, ou non, partie intrinsèque des illustrations. Ce qui me permet de dire qu’il n’est qu’une peau superficielle de pur esthétisme lorsque le contenu est inconsistant.

 

          Plutôt que de prétendre traiter de littérature pour la jeunesse, ce livre de LB devrait se contenter d’être un catalogue recensant, parmi celles qui sont parues depuis le début des années 60, les images et les illustrations qui lui plaisent, en se limitant à ne faire que des éloges pour ceux qui les ont réalisés.

 

          Le terme “La littérature en couleurs” doit être mis en italiques chaque fois qu’il est utilisé, en mentionnant en bas de page que c’est le titre que j’ai donné à l’exposition subventionnée par la SPME (organisme culturel de la Régie Renault dont Jean-Marie Despinette, compagnon de France, était le Président) qui était censée valoriser en 1985 comme le mentionnait l’affiche de présentation : Les conceptions et tendances dans les textes et les illustrations des livres contemporains pour la jeunesse des vingt dernières années.

 

         J’avais souvent employé cette formule ou des dérivatifs de cette formule auparavant dans les colloques où je participais pour expliquer mon intention de ne publier, en préférence, que des textes d’écrivains accompagnés d’illustrations qui seraient, devaient être, une œuvre à part entière et une supplémentation graphique libre, contrapunctive et non pléonastique. Certains parlèrent alors, notamment Bernard Bonhomme, de « littérature arc-en-ciel » ... terme que je récusais puisque l’arc-en-ciel était devenu l’emblème des homosexuels.

 

        Janine Despinette, dont l’égotisme était parfois difficilement contenu par la pondération de son mari, prétendra par la suite, devant le succès de la formule, qu’elle en était l’initiatrice. Elle fit de même pour le terme “co-lecture” pour désigner les albums d’Eugène Ionesco que je présentais toujours comme des livres à lire par des adultes à des « enfants de moins de trois ans »... Puis elle prétendit, une fois son mari décédé, que c’était elle qui avait fondé le CRILJ et non pas Nata Caputo, et le clan des intellectuels communistes formé par Raoul et Jacqueline Dubois, Marc Soriano et Mathilde Leriche... 

           Janine Despinette affirmant par-là, parce qu’elle avait été, en fonction de ses ambitions exacerbée, marginalisée par les institutions nationales (Joie par les Livres et BNF puis CNLJ) que ces commentaires sur les œuvres étaient plus importants que les œuvres elles-mêmes et qu’elle était l’initiatrice-impératrice de tout ce qui s’était produit de bien en matière de livres et de productions pour l’enfance et la jeunesse.

 

         Son association avec Étienne Delessert dans le début du 21ème siècle et mon exclusion du CRILJ et du CIELJ, constituent pour moi la preuve de leur confraternité en matière d’égotisme plénipotentiaire. Ils voulaient régner et, avides de couronnement, comme le petit Bonaparte et comme Jean-Bedel Bokassa, ils tenaient à se couronner eux-mêmes.

 

          on trouvera là dans la dompteuse et le musicien de Galeron et dans certains motifs l’influence des illustrations d’Etienne Delessert, on retrouvera également l’intérêt

 

          Je ne vois pas du tout de ressemblance entre Galeron et Delessert !

 A croire que LB, faisant une fixation sur le génie de Delessert, voit du Delessert en toutes choses !...  

  

 

 

PAGE 104

 

...illustrations de Sabine Monirys, alors compagne du metteur en scène Jérôme Savary

 

 

LES DEUX CAPRICES

 

 

 

PAGE 105 OU 107

 

          Un album comme Alice au pays des merveilles ne s’est pas fait en un jour. Apparu entre les mains de l’éditeur comme un projet incorporant d’abord des images de Max Ernst, rapidement délaissées au profit d’une proposition à Nicole Claveloux, il doit beaucoup à la traduction d’Henri Parisot.


       LB invente de toute pièce une genèse qu’il n’a aucune raison de connaître puisque je n’ai jamais parler de cela. Non, je ne connaissais rien du projet Parisot-Max Ernst. Je sais seulement que je n’ai proposé à Nicole Claveloux de s’atteler à ce monument anglosaxon que représentait Alice au pays des merveilles que parce qu’Harlin Quist continuait à considérer, malgré les deux prix accordés à Nicole Claveloux par le New York Times pour Le voyage extravagant et pour Les Télémorphoses d’Alala, que nos illustrateurs français n’étaient pas du niveau des illustrateurs anglosaxons.

 

       Quist ira jusqu'à refuser de publier le Conte numéro 4 de Ionesco illustré par Claveloux en allant jusqu'à dire qu'il était si mauvais qu'il ferait du tort à Nicole Claveloux elle-même...

   

     Et c’est dans une intention de challenge et de provocation que ce livre fut mis en œuvre. NC commençant par me proposer, plutôt que des illustrations, des tableaux peint à l’huile, dont un magnifique portrait qu’elle fit d’Alice... Tandis que, de mon côté, je me mis à rechercher la meilleure traduction possible, hésitant finalement entre celle d’Henri Parisot et celle d’André Bay, beau-fils de Jacques Chardonne, qui insistait pour que je choisisse sa version...

     Après avoir opté pour la traduction d’Henri Parisot, celui-ci m’informa que Max Ernst avait réalisé quelques illustrations de sa version et il tenta alors de faire pression sur moi pour que j’adhère à leur projet... Peine perdue car j’affirmai alors à Henri Parisot que Claveloux était et serait l’illustratrice de la version que je souhaitais publier...               

     Puis, comme il insistait, lui servant du même chantage, je lui affirmai que s’il n’adhérait pas à mon projet, je prendrais alors la version d’Alice de son rival...etc...

 

       C’est finalement le jeune héritier des Éditions Flammarion, Charles-Henri, qui nous réconcilia en me proposant un contrat.

 

       Jean Gattégno était alors dans les parages, auteur d’une “chronologie, préface et bibliographie” d’un ouvrage proposant la version bilingue juxtaposée du conte de Lewis Carroll intitulée Les aventures d’Alice au pays des merveilles. Traduction de Henri Parisot - Suivi de la suite des dessins de Lewis Carroll Broché – 1 janvier 1971... mais je crus bon de ne pas le déranger et il s’en vexa... Au point de déclarer en 75 – selon ce que m’en dira Christian Bruel par la suite –, lorsqu’il devint Directeur du livre et de la lecture sous le ministère de Jack Lang à la Culture, que la version de Nicole Claveloux que j’avais publiée chez Grasset était « la plus mauvaise de toutes les versions qui existaient en France ».

 

d’Alice au point qu’elle sera republiée par Grasset Jeunesse une quarantaine d’années plus tard.

 

          Non pas !... Cela est mal dit. L’édition de 75 est restée et reste encore en vente depuis sa parution en 1975 et elle a même été suivie en 2020 du deuxième tome de Lewis Carroll De l’autre côté du miroir illustré toujours par Nicole Claveloux.

 

Mieux, un disque 33 tours paraîtra conjointement qui, plutôt qu’un simple enregistrement de ce texte revu (si cela avait été possible), offre au compositeur Jean-Louis Méchali l’occasion d’une interprétation supplémentaire, sous forme d’un puzzle musical. Ce sont les débuts du label Chevance, hébergé par les disques Le Chant du monde dont Patrick Couratin n’est jamais loin…

 

     ... C’est Philippe Gavardin, mon ami – dont les parents, bourgeois cossus habitaient en bordure du lac du Bois de Boulogne –, qui, devenu communiste par conviction mais surtout par confrontation antagoniste avec son père, refonda Le Chant du monde et créa et imposa ce département discographique jeunesse Chevance dans le cadre plus général des Établissements d’éditions et de Presse communistes, dont Aragon était le Directeur général.

     Ne cherchez pas aujourd'hui son nom sur internet dans les cadres de ce qu’il avait initié en rénovant les structures poussiéreuses du Parti, il a été très soigneusement rayé par les nouveaux communistes qui ont pris sa place et ont fait le propre, après sa mort prématurée, en juillet 97, à l’âge de 52 ans.

 

      C’est avec lui que j’avais prévu de réaliser, faisant suite à un Brassens et un Léo Ferré, publiés aux Éditions Alain Pierson, un album de partitions de chansons inspirés par les poèmes d’Aragon.

      Album qui ne vit pas le jour et que je regrette de ne pas avoir pu produire puisque je refusai alors, carrément et radicalement, de donner à Patrick Couratin, que Philippe Gavardin avait engagé pour restructurer ses collections de disques, l’occasion d’une nouvelle collaboration.

 

 

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... début d’une collaboration entre l’écrivain et Grasset qui continuera bien après le départ de François Ruy-Vidal

 

       C'est sur sollicitation de pierre Gripari lui même, venu vers moi par l'assistant de Robert Morel le père Lelong que notre collaboration a commencé.

 

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Harlin Quist, de son côté poursuit ses projets éditoriaux sous le label Encore un livre d’Harlin Quist avec lequel, comme son nom l’indique, il va continuer à éditer des ouvrages dans la même veine que ceux des années précédentes.

 

On voit arriver à ce catalogue Les Trois Arbres du samouraï, un livre du père Cocagnac publié aux Éditions du Cerf en 1969 et illustré par Alain Le Foll. Les maquettes avaient été présentées à François Ruy-Vidal par Monique Dupuis, adjointe du père Cocagnac. Ce conte dans un grand format carré comme l’était La Forêt des lilas ne l’avait alors pas laissé indifférent même s’il juge que les illustrations réalisées par Alain Le Foll sont généralement moins riches sous la direction de l’éditeur bénédictin. Finalement, le contrat de cette réédition ayant été adressé à Harlin Quist, c’est lui qui publiera l’album !

 

 

 

 

 

 

Le plus fameux de ces albums collectifs, publié en 1971, Sur la fenêtre, le géranium vient de mourir mais toi… oui, toi… toi qui vois tout, toi qui peux tout, tu n’en as rien su, sur un texte du pédagogue Albert Cullum traduit par François Ruy-Vidal,

 

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Ces volumes aux signatures multiples sont l’occasion de retrouver les illustrateurs qui ont fait les beaux jours de la période Un livre d’Harlin Quist. La plupart d’entre eux n’ont pas suivi François Ruy-Vidal et il y a peu de porosité entre les deux catalogues, à l’exception de Nicole Claveloux et d’Henri Galeron.

 

 

 

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Mais puisque nous en sommes aux réussites de cette deuxième période des Livres Harlin Quist,

 

 

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... les éditions Grasset ne se montrant guère pressées de reprendre les droits des albums qu’il avait publiés précédemment sous le label Harlin Quist, il va désormais travailler au sein des Éditions universitaires qui, elles, s’engagent à republier certains titres.

 

       et surtout de confier le quatrième et dernier volume à Nicole Claveloux,

 

      Les illustrations de ce Conte Numéro 4 étaient terminées depuis fin 1971 mais Harlin Quist les trouvant détestables, en compromettant ainsi la coédition européenne en cours, je décidai alors, puisque j'avais à ce moment-là déjà pris la décision de faire cavalier seul, de reporter l'édition de l'album à après notre séparation... Grasset ne pouvant publier Ionesco... c'est aux Éditions Universitaires que les conditions d'imprimer devinrent favorables... Encore que la menace de procès que me fit Nicole Claveloux alors que le livre était prêt à aller sous presse, fut à deux doigts d'interrompre à jamais sa publication...

 

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      ...entamant avec lui un long compagnonnage dont la première étape fut le très beau Zizou, artichaut, coquelicot, oiseau pour Grasset.

 

 

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John Bradford en était alors le directeur artistique. Cet homme avait été auparavant responsable du design pour les magasins Marshall Field’s à Chicago, directeur artistique en agence de publicité à New York ainsi que pour les disques Columbia

 

      Et surtout le directeur artistique du joaillier Cartier

 

 

L’enthousiasme du duo Quist-Vidal, leur volonté d’offrir le meilleur aux enfants, conduira Couratin à développer une image luxueuse et soignée, tout en papier couché

 

 

       Merci pour le duo. J’ai plusieurs fois demandé à LB de faire la part des choses en lui demandant de distinguer nos initiatives respectives.

 

       Ce qui est très facile si on prend le temps d’examiner les livres que nous avons chacun publiés, ensemble et séparément, livre après livre, pour en disséquer les fondements, les inspirations, sans les attribuer bêtement à un couple qui n’a jamais agi en couple. Je ne tenais pas mes choix, ni mes options ni mes décisions d’édition, même quand nous fûmes associés, de H.Quist.

 

      Et merci bien pour l’inclusion de Couratin dans ce duo comme un ménage à trois !

 

      Non ! ce n’est pas, pour ma part, PC qui m’incita à aimer le papier ni à savoir le choisir. Mon grand-père puis mon père, défricheurs en Algérie, fournissait en alpha des sociétés anglaises fabricantes de papiers. Le papier et les qualités de papier, étaient donc une des premières raisons qui m’incita à venir à l’impression et à l’édition...

 

        Par contre, pour ce qui est du jeune néophyte qu’était Couratin, c’est plutôt moi qui l’ai invité, afin de lui mettre le nez dans le cambouis des réalités et des charges délicates des métiers de photogravure et d’impression, à m’accompagner sur les presses afin qu’il prenne conscience des diverses difficultés de la reproduction en offset des illustrations, depuis celles de la séparation des couleurs jusqu’à leurs reconstitutions à l’impression sur les quatre rouleaux des machines, en essayant, de multiples façons, et en insistant, pour lui montrer des macules de son livre Monsieur l’oiseau retintées de couleurs diverses à la suite de passages préliminaires, pendant les réglages de machines, pour le convaincre de ne plus se croire obligé de réaliser, comme il l’affirmait de manière ostentatoire définitive, tous ses prochains livres en noir et blanc.

 

 

 

Autant jouer le jeu à fond et proposer des livres qui, jusque dans leur forme, dans leur réalisation, éblouissent leurs lecteurs. Patrick Couratin opérera d’abord aux côtés de François Ruy-Vidal puis, à partir de 1972 et jusqu’en 1998, avec Harlin Quist exclusivement, entre Paris et New York.

 

       Éblouir ?... Chercher à éblouir ?... Moi, jamais !

       Mais plutôt, selon un crédo de « petit instit » à inciter de faire réfléchir, à rendre lucide et à encourager l’esprit critique et le libre arbitre...

A croire que LB n’a rien compris à ma démarche !

      Dans cet ordre d’idée, le terme “opérera” qu’il emploie pour savonner encore et toujours Patrick Couratin, ne me convient pas du tout.

 

      Je n’avais pas attendu Patrick Couratin pour opérer.

 

      Dire que PC réalisa ses illustrations de Monsieur l’oiseau sans moi et que je ne fis qu’approuver son travail ne veut pas dire qu’il opéra pour moi. Il n’opéra jamais pour moi. C’est moi qui ai opéré. Et je l’ai fait par pur souci de retransmission de savoir et de connaissances et afin de l’aider à devenir qui il pouvait devenir, sans en attendre de remerciements.

 

 

Lors du divorce entre les deux éditeurs, Patrick Couratin va prendre son parti : à la précision, l’exigence et le travail parfois ingrat de François Ruy-Vidal, il va préférer la flamboyance, l’élan transatlantique et la fête infinie d’Harlin Quist.

 

       La juxtaposition tripartite la précision, l’exigence et le travail ingrat appliqué à mézigue en contreposition de “la flamboyance, l’élan transatlantique et la fête infinie” accordée et appliquée à mon ex-associé, révèle-là, l’admiration follement intéressée qu’éprouvèrent Couratin et Galeron, en illuminés du rêve américain, afin de s’imaginer une notoriété et un destin transatlantiques...

 

        Dans la foulée, la retranscription littéraire dithyrambique qu’en fait Loïc Boyer, laisse supposer en l’occurrence, qu’il se voit déjà, présumant que son livre ferait un tabac aux USA, statufié au 102ème étage de l’Empire State Building.

 

       J’éprouve moi le besoin de redire là ce que j’ai déjà dit en plusieurs occasions :

 

            « Ce qui est à Quist n’est pas à Ruy-Vidal et vice versa ».

 

      Defourny et François Vié m’avait déjà fait le coup en me traitant de pédago tandis que Robert Delpire et Harlin Quist étaient par eux traités, avec considération, d’esthètes

      Je me répète mais sans qu’on veuille entendre :

      Quist était un voleur d’idées qui avait la manie et la maladie de s’approprier ce qui pouvait valoriser sa réputation. Sans jamais se rendre compte, par mégalomanie, qu’il usurpait.

         Après les prix accordés par le New York Times aux deux livres que j’avais initiés, Le voyage extravagant – qu’il méprisait et jugeait même détestable et complètement “unprofessionnal”–, et le Conte Numéro 1, illustré par Delessert, Harlin Quist claironnait bien fort à New York, sans le moindre scrupule, que c’était lui qui les avait initiés. Ajoutant en se flattant « I am making history » prétendant qu’il était le seul responsable d’un renouvellement historique du livre pour enfant.

 

      En autocrate et en patron, se servant pourtant des auteurs et des illustrateurs, oubliant délibérément ma participation et celle des auteurs et des illustrateurs que nous sollicitions, je ne l’ai jamais entendu employer le terme “nous” pour parler d’un livre.        Et encore moins de l’entendre parler d’équipe !...

 

      C’était toujours lui, lui, lui et lui encore qui avait tout fait ! 

 

      Dans nos rapports, il ne reconnaîtra jamais ce qu’il avait pris dans ma besace et il continuera d’affirmer, en décembre 97, à Florence Noiville notamment, analyste-critique du journal Le Monde, copieusement épaulé approbativement par son associé Patrick Couratin, devenu son apôtre, que c’était lui qui avait obtenu les Quatre Contes de Ionesco et Ah ! Ernesto de Marguerite Duras et aussi bien, comme il l’avait déjà dit à la jeune et naïve apprentie journaliste qu’était Odile Limousin, que c’était lui qui avait réalisé la première version du pamphlet qu'était Le géranium sur la fenêtre...

 

Articles de Florence Noiville (Le Monde de livres du 5 décembre 1997) et de Odile Limousin à votre disposition.

 

        Si bien qu’en 1970, à New York Johane Pike, son amie, seule femme de sa vie, ancienne collègue de Carnegie Tech, et son ex-associé Daniel Hyneck, partenaire dans la production off Brodway de la pièce de Tchekov Ivanov, tiendront à m’alerter en me disant ce que je ne voulais pas croire ni accepter : que H. Quist « Be carefull François, Harlin is a killer ! » était un tueur, capable de contrer vos initiatives pour mieux ensuite les récupérer en faisant croire et en croyant lui-même qu’elles étaient les siennes.

 

 

Le contrat de François Ruy-Vidal aux Éditions universitaires arrive à expiration en 1978, et comme ses propositions éditoriales se trouvent trop souvent rejetées, la collaboration s’achève là.

 

      LB a besoin-là carrément d'un recyclage.

      Mais je le soupçonne plutôt, parce que le terrain est glissant, de tricher et de choisir délibérément de faire semblant de ne pas savoir que j'ai quitté violemment le siège de la rue Mayet parce que Delarge, sous mon nez mais dans mon dos, se comportait comme le voleur de droits qu'il était, en rachetant au pleutre Claude Lapointe les illustrations qu'il avait réalisée pour mon adaptation de Pierre l'ébouriffé afin de permettre à son épouse Bernadette, dirigée et sous-influencée par Françoise Dolto, de réécrire une version catéchisée du livre d'Heirich Hoffman.

 

. Ruy-Vidal consacrera les deux années suivantes à établir une nouvelle collection, cette fois aux Éditions de l’Amitié.

. Mais les livres publiés dans cette séquence, si soignés soient-ils, n’ont plus l’impact qu’ont pu avoir ceux publiés dix ans plus tôt.

 

         Avis très tendancieux qui me prouve que LB manque de courage, car les livres de cette quatrième étape se vendaient bien, et étaient même, en raison de leurs contenus littéraires, (comptines, chansons anciennes, fables et imagiers) plus populaires que tous ceux que j'avais publiés auparavant.

 

      On souhaitait même que je prolonge le contrat – que j'avais exigé pour deux ans seulement –, de deux autres années.

 

      LB qui a décidé de ne pas parler d'Alain Letort oublie ainsi, par lâcheté, de citer La famille Adam et le désaveu qu'une grande partie de l'intelligentzia française porta sur ce livre parce que Tournier osait clamer que Dieu était homme et femme à la fois.

 

Le combat pour cette littérature en couleurs est en passe d’être gagné mais la victoire

 

        Encore et toujours cette même expression !

 

... la victoire ne profitera pas aux combattants de la première heure, épuisés trop tôt d’avoir porté à bout de bras.

 

       La faute à qui ?... Personne n'ose encore dénoncer le système qui le conditionne comme Marc Soriano, Michèle Piquard et Isabelle Nières-Chevrel, Annie Renonciat commencèrent à le faire...

       La force du respect que l'on accorde, par conservatisme bourgeois, aux entreprises d'éditions d'héritage et l'illégalité en ce qui concerne la fausse liberté du commerce qui régit de manière meurtrière, par les librairies affiliées aux grand trusts, l'existence de peu de librairies indépendantes – moins de 500 sur notre territoire –, en sont la cause.

 

      A quand un mi-too pour la sanction de ces trusts conditionnants, réclamant une vraie liberté du commerce pour le livre plutôt qu'une fallacieuse morale de la fixation de son prix ?...

 

 

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Comme on l’a vu, le soin apporté à la forme faisait partie du projet éditorial des différents acteurs de la littérature en couleurs dès les débuts du mouvement.

 

        Encore et toujours cette expression !

 

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L’enthousiasme des deux éditeurs, leur volonté d’offrir le meilleur aux enfants, les conduira, avec le talent de Patrick Couratin à développer une image luxueuse et soignée, tout en papier couché et volutes typographiques

 

     Cela peut s'appliquer pour HQ après 1972 et la distinction est à faire impérativement car, pour ma part, puisque j'étais alors en totale connivence et exclusivement avec le groupe des cinq de Saint Étienne et plus étroitement avec le tandem Claveloux-Bonhomme, élargi au décorateur argentin Nestor de Arzadun, je refuse catégoriquement cette façon qu'à LB de me souder à Quist comme si nous étions des siamois.

 

Patrick Couratin travaillera d’abord aux côtés de François Ruy-Vidal puis, à partir de 1972 et jusqu’en 198228, avec Harlin Quist exclusivement, entre Paris et New York.

 

      Même si je l'ai hébergé, je n'ai pas employé Patrick Couratin. Il n'a pas travaillé pour moi.

 

Lors du divorce entre les deux éditeurs, Patrick Couratin va prendre son parti : à la précision, l’exigence et le travail parfois ingrat de François Ruy-Vidal, il va préférer la flamboyance, l’élan transatlantique et la fête infinie d’Harlin Quist.

 

 

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Jean Claverie qui, dès 1972, a écrit à la maison Harlin Quist

 

      Ce terme de maison est un terme bourgeois qui me parait être bien vieux jeu. En fait, Jean Claverie a écrit à mon adresse, rue de Montreuil, qui était le siège de la Sarl les livres d'Harlin Quist

 

 

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Quoi qu’il en soit, on serait bien embarrassé si l’on voulait caractériser par un style unique la direction artistique mise en œuvre dans ce qui a été ce moment de la littérature en couleurs.

 

       Encore cette expression!

 

On voit ainsi se croiser au sein du catalogue Harlin Quist et de Grasset Jeunesse,

 

        Rien à voir entre le et les catalogues de HQ et ma conception du premier catalogue illustré par Nicole Claveloux pour la création de Grasset Jeunesse.

 

 

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 Certes le surréalisme fait plus qu’affleurer dans les images de Couratin, Billout, Mercié ou Galeron. Mais Gauthier, Bour, Boutan, Lapointe ou Claveloux en sont loin.

 

 

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        Claveloux avait largement prouvé dans le voyage extravagant ses implications avec le surréalisme. Des implications authentiques.

       Alors que celles de Couratin étaient le plus souvent des pastiches de Magritte.

 

la proposition artistique de ces années-là : une jouissance de la couleur que l’on constate d’une collection à l’autre,

 

       Ce que Cécile Boulaire m'attribuera personnellement comme si j'en étais l'inventeur en parlant de « couleurs saturées »

 

C’est la critique Janine Despinette qui invente dès les années 1960 la formule « la littérature en couleurs »

 

      Non, mais c'est elle qui se l'attribue en allant jusqu'à prétendre que c'était elle qui avait financé l'exposition du Musée d'Art Moderne alors que c'était la SPME, société culturelle de la Régie Renault de Boulogne Billancourt, dont Jean-Marie Despinette était le directeur, qui avait subventionné l'opération.

      Janine Despinette rejoignait en cela la mégalomanie de Delessert qui ramenaient toujours tout à eux.

 

 

PAGE 146 :

 

La galerie de la Baume, sise à Paris dans la rue éponyme, ouvre en février 1971 avec l’ambition de valoriser ce mouvement que d’aucuns appellent « illustration graphique » — par opposition à l’illustration classique accusée de sensibilité ou même de mièvrerie.

 

 

      Ce « d’aucuns » ressemble à un refus habile de LB de dire que c’est moi qui ai toujours refusé d’appeler les illustrations des images et qui ai toujours plaidé pour que l’on ne parle plus que d’illustrations de type graphique impliquant une lecture graphique.

 

 

PAGE 147 :

 

      L’illustration de la page de garde du voyage extravagant est bleue et non pas en noir et blanc.

 

 

PAGE 166

 

. En décembre 1974, Denise Fayolle et Maïté Arnodin de l’agence Mafia organisent une exposition des illustrations des livres publiés par Harlin Quist au Moulin de la Galette.

 

      C'est je suppose à ce genre de fête continue que LB fait allusion.

 

      Un poster aux pieds fourchus, réalisé par Patrick Couratin à partir du portrait d'HQ serait bien venu dans le livre de LB pour montrer jusqu'ou pouvait aller les mégalomanies de HQ et de Patrick Couratin.

 

 

PAGE 168

 

En 1978, la Bibliothèque publique d’information du tout frais Centre Pompidou organise une grande exposition consacrée au livre d’enfants et à l’aventure : « Ulysse, Alice, oh ! hisse… ».

 

 . L’année précédente, le centre culturel des Gémeaux à Sceaux avait accueilli « « L’île aux livres », une exposition à la scénographie ambitieuse qui s’intéressait aux écrits pour la jeunesse d’auteurs habituellement connus pour leur travail à destination des adultes. Eugène Ionesco et Michel Tournier furent de la table ronde organisée à cette occasion.

 

       Je n'ai pas eu l'honneur d'être invité à cette exposition et lorsque que deux de mes cousins qui habitaient entre Bourg La Reine et Sceaux s'en sont inquiétés, il leur fut répondu que je n'étais pas dans les bonnes grâces des organisateurs. Michel Tournier, en s'en étonnant et en me demandant de lui expliquer le pourquoi de cette disgrâce, confirma par la suite cette sentence d'exclusion.

 

      Mais je n'ai pas cherché à en savoir plus en concluant que les organisateurs-trices devaient être de mèche avec Geneviève Patte.

 

 

 

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En 1984 le Centre Pompidou, encore, programme « Images à la page,

 

        Le nom de Jean-Pierre Seguin, grand institutionnel spécialiste de l'imagerie et des arts graphiques, créateur de la Bibliothèque Centrale Publique du centre Pompidou et son adjointe Christiane Abaddie-Clerc méritent largement d'être signalés et félicités puisqu'ils furent les instigateurs des deux plus grandes et plus célèbres expositions qui furent faites à Paris en faveur de la littérature pour la jeunesse.

 

nostalgie vers un pan de l’édition — et ses audaces — qui paraît s’éloigner alors que ses pionniers, Tisné, Delpire, Quist & Ruy-Vidal, ne sont plus de la partie

 

       Je refuse catégoriquement d'être considéré comme un pionnier. Car je n'étais pas un pionnier. Voir mes explications dans la suite à propos de la page 176.

 

. À la fin des années 1960, les livres Harlin Quist se vendent très bien dans les drugstores mais la libraire de La Hune refuse de vendre Gertrude’s Child à cause des illustrations de Rick Schreiter

 

       Le département jeunesse de la hune était géré par une certaine Mlle Laedrich qui était contre l'émancipation féminine dont Gertrude, dans Gertrude et la sirène, la petite poupée de bois imaginée par Richard Hughes qui ne veut plus appartenir à la petite Annie qui la néglige et la maltraite en lui arrachant les cheveux, est un exemple flagrant.

 

 

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       Aux États Unis, les antiféministes iront jusqu'à dire, comme le reprendra Françoise Dolto dans son anathème de décembre 1973 dans l'Express, qu'il s'agissait d'une revendication homosexuelle.

 

 

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Conçue par l’Atelier de Montrouge et plus connue sous le nom de Petite bibliothèque ronde, qui fait référence à son architecture particulière, elle est le bras armé de l’association La Joie par les livres.

 

       Association puissante qui détenait même un Bulletin d'analyse des livres pour Enfants qui voulait laisser penser que leurs griffonnements et leurs scribouillages de petit torchon partisan, pondus par des ignorantes – car dans 90% des cas c'étaient des femmes qui les écrivaient – étaient de jugements venus du ciel, déterminants et incontestables  

 

 

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il y avait davantage de discussions sur les contenus que sur le côté formel. La tendance était un peu frileuse, comme si on voulait ménager la chèvre et le chou. Personne n’avait de formation artistique et les arts graphiques étaient souvent méconnus.

 

      Ce qui s'appliquait à la bibliothécaire en chef qu'était Geneviève Patte, qui se permettait néanmoins, comme Cécile Boulaire l'a fait à sa suite, pour lui complaire, de juger des illustrations des livres que je publiais sans tenir compte de ses ignorances.

 

      Sa postface dans le Boucle d'or écrit et illustré par Paul Galdonne est la preuve de cette usurpation abusive de compétences.

 

. C’était plus des avis du genre on aime/on n’aime pas. Les avis étaient plutôt péremptoires.

Je l’ai montré à La Joie par les livres, sans succès, comme s’il n’était pas possible de “croire” les images. »

 

       Là Loïc Boyer dit très justement mais trop faiblement ce qui caractérise en impact les images dont la caractéristique est généralement d'imposer ce qu'elles sont à notre adhésion ou à notre rejet. Preuve pour moi qu'il connait très bien la différence que j'ai établie entre image et illustration...

 

      Mes considérations sur le titre sont de pures formes car ce n'est pas à moi d'en décider... Cependant, simplement pour la forme, je dois dire que ce titre me ramène aux discussions que j'ai eu avec Eugène Ionesco en 1963-64, tandis que je l'encourageais à écrire ses contes et que nous en sommes arrivés à parler des images, notamment des images pieuses qu'il appelait « images du bon Dieu”, celles qui devaient nous rendre « sages comme des images » etc...

 

      Images dont il parlait, comme un père peut parler à sa fille, pour la déstabiliser et pour l'amuser, en l'incitant à réfléchir et à fabuler et en lui racontant ce que son épouse Rodica appelait des histoires sottes...  

 

      Les images sont le plus souvent des entités monosémiques que l'on gobe  en un seul regard, perceptibles de manière beaucoup plus sensorielle qu'intellectuelle, et qui n'offrent donc pas, leurs impacts étant immédiats, au voyeur-regardeur que nous sommes, la possibilité de recul ou la nécessité de s'employer à les analyser pour disséquer leur contenu...

     Alors qu'à l'évidence, la structure d'une illustration est toujours composite, architecturée, selon souvent la forme de poupées russes, ou en abîme, obligeant le lecteur-regardeur, une fois son envisagement global et sa perception d'immédiateté sensorielle assouvie, à devoir retrouver, pour se les expliquer et les comprendre intellectuellement, les éléments composites divers qui participent à l'organisation structurelle proposés par l'artiste.

        Ce qui me permet, de rappeler la déclaration que fit Maurice Augustin Cocagnac, Dominicain frère-prêcheur, directeur aux Éditions du Cerf de la section jeunesse, en 1967-68 en m'accusant, parce qu'il s'était persuadé qu'il ne fallait donner aux enfants que des images sages, de « forcer l'esprit des enfants ».

       Et que je lui répliquai alors, en précisant que je n'étais pas seul ni le premier à avoir ces points de vue, qu'il fallait nettement établir une distinction entre l'appréhension que peuvent faire les enfants et les adultes des images – dont la richesse et l'intérêt n'est pas à remettre en cause ici –, et la lecture des illustrations qui est nécessairement plus complexe que celle des images puisqu'elle procède en nous de deux manières très différentes, la première étant organique, intuitive et involontaire et la seconde, de type intellectuelle, à la fois consciente et inconsciente...

 

       Une lecture polysémique forcément riche de conséquences puisqu'elle est, de fait, analytique, descriptive-narrative, culturellement référencée et impérativement obligatoire pour tout individu qui, n'en restant pas au stade passif du premier impact, s'engage, amorcé par ce premier impact, par curiosité, souci et désir de savoir, à faire l'effort de vouloir la comprendre.

 

      Extrait du texte tiré du Conte numéro 2 de Ionesco, illustré par Delessert :

 

       Quand j'ai mangé la boite à musique, je mets de la confiture sur la descente de lit et j'ai un bon dessert. Prends la fenêtre, papa, et dessine-moi des images.

Josette a un doute.

       --Comment, s'appellent les images ?

Papa répond :

       -- Les images ?... Comment s'appellent les images ?... On ne doit pas dire “images” il faut dire “images”

 

       Jacqueline arrive. Josette se précipite vers elle et lui dit :

 

      -- Jacqueline, tu sais, les images c'est pas des images, les images c'est des images.

 

 

 

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François Ruy-Vidal et Harlin Quist ont fait œuvre de pionniers. Les premiers, ils ont su défricher avec suffisamment de conviction des territoires littéraires et graphiques au bénéfice de l’enfance de leur temps.

 

      En laissant à LB la liberté de dire qu'Harlin Quist était un pionnier, mais en lui demandant de préciser en quel pays il le place et pourquoi...

 

      Mais je lui conseille de prendre le soin de s'enquérir avant, de la façon dont il est perçu dans son propre pays...

 

       Pour ce qui est de mon cas et de mon parcours d'ambitions simples en édition pour la jeunesse, je récuse formellement et totalement, d'une part d'être associé à lui comme si nous avions eu les mêmes cultures et les mêmes options littéraires et graphiques d'éditions, et, d'autre part, d'être considéré comme un pionnier.

 

       Je n'ai pas fait en France œuvre de pionnier puisque j'ai toujours tenté, avec les moyens du bord, de rester dans la lignée des auteurs et des illustrateurs qui avaient marqué, dans ma chair et dans mon esprit mon enfance de leurs sceaux et de leurs talents.

 

      Ce qui veut dire que j'ai été un suiveur et que j'ai toujours eu, et ai encore, la certitude d'avoir été plutôt un conservateur-restaurateur-réformateur attardé et nostalgique, d'une notion de livre pour la jeunesse que je m'étais acquise à partir des lectures des livres de mon enfance et des illustrations qui m'étaient tombé sous la main durant ma jeunesse...

      A savoir des textes littéraires écris par des écrivains tels ceux que j'avais appris à connaître et à aimer dans le manuel Choix de lectures de A. Mironneau qui offrait la possibilité aux enfants de la classe de cours moyen (Première et Deuxième année, de 9 à 11 ans à peu près), d'être confrontés à des écritures différentes et diverses d'auteurs qui, puisque les livres de loisirs pour enfants n'avaient pas droit d'entrée dans les écoles publiques, n'étaient pas spécifiquement des auteurs de littérature enfantine.

 

        Parmi ces auteurs que j'ai découverts alors, en 1940, j'avais 9 ans exactement, je peux dire, sans me flatter puisque je n'étais pour rien dans cette confrontation et dans le processus d'ancrage qu'elle engendrait, qu'ils ont forgé les racines de mes options d'après-guerre et celles de l'enseignant que je suis devenu à partir de 1951, puis celle du metteur en scène de Théâtre pour Jeune Public à partir de 1964 et enfin du concepteur d'édition que j'ai choisi d'être à partir de 1966...

 

      Rappeler ici les noms de ces auteurs et de ces artistes me permet de faire mesurer aux lecteurs et à LB dont je trouve bien minces les racines de ses goûts, choix et affirmations, l'importance qu'en fonction de nos principes pédagogiques basiques d'éducation, l'on accordait – dans nos écoles publiques françaises et contrairement à ce qui était préconisé dans les écoles catholique privées, avant que ne nous arrive, en 1945, l'hygiénisme ratisseur massif, made in USA, fédérateur hélas et uni-formateur pour toutes nos institutions nationales de culture et d'éducation –,  à ce que, toujours, et avant toute autre chose, les enfants soient confrontés à plusieurs formes, non seulement de lectures littéraires mais aussi d'illustrations et d'informations de toutes sortes propres à développer leur esprit de réflexion et de libre arbitre.

 

       A 9 ans j'ai donc pu apprécier à l'école de mon village perdu dans le tell, en plus des écrivains classiques que tout le monde connait, des auteurs divers représentatifs de cette époque des années quarante : Aicard, Bouchor, Chateaubriand, Daudet, Dumas, Flaubert, Florian, Fromentin, Gauthier (Théophile), Hugo, Loti, Maupassant, Mérimée, Mistral, Nodier, Sand, Zola... en plus de ceux que je découvris ensuite, comme Pergaud ou bien publiés dans les livres et journaux de Jules Hetzel, dont Jules Verne bien entendu... ou bien encore dans les livres importés publiés par Hachette dont j'ai déjà parlé.

 

       Et, sur le plan des illustrations, celles qui me fascinaient alors étaient celles qui n'avaient pas été particulièrement faites pour les enfants, telles celles de Gustave Doré, Dulac, Boutet de Monvel, Rabier, Hellé, voire même celles que je détestais comme celles de Babar de Jean de Brunhof, alors que j'appréciais beaucoup les caricaturistes qu'étaient Daumier, Gill, Philippon, Cham, Robida qui me tiraient de mes tristesses d'enfant solitaire et me faisaient rire.

 

       Si par le nom d'Harlin Quist apposé sur les livres dont j'étais l'éditeur masqué, les illustrateurs néophytes attirés par un éventuel succès outre-atlantique venaient vers moi, qu'ils avaient toutes raison de considérer comme un agent de sa majesté, ils prenaient vite conscience, parce que je les déboutais, qu'ils se trompaient.

       Gauthier et Galeron le comprirent très bien lors de leur première incursion dans l'arène sur notre stand à Francfort en 1967 lorsqu'Harlin Quist toujours très mal disposé contre les illustrateurs français – lieu et place où il tentait de m'interdire de montrer les illustrations faites par Claveloux pour le Voyage extravagant – me signifia après leur visite qu'il ne voulait ni de l'un ni de l'autre, au prétexte que Gauthier était baveux et que Galeron en avait pour deux ou trois ans d'apprentissage avant de devenir exploitable.

 

un chemin que d’autres allaient pouvoir emprunter à leur suite, pérennisant cette forme de littérature en couleurs.

 

         Encore cette expression!

 

L’École des loisirs, même si elle fut fondée en 1965... ne participe pas tout à fait de la même démarche. Après des débuts parfois laborieux,

 

       Le travail de Jean Fabre, ses options, son intelligence, sa discrétion, son honnêteté n'est hélas pas assez exposée dans ce livre de LB et je me suis tristement rendu compte en allant chercher des renseignement sur le site de L'école des Loisirs que son nom était presque effacé complètement au profit de jean Delas et de son fils.

 

      Preuves pour moi que les historiens de la LJ, tels ceux et celles qui se sont inscrits-tes dans la lignée de Marc Soriano, Michèle Piquard, Annie Renonciat, Isabelle Nières, Jean Perrot... ont laissés place à des apprentis-ties journalistes sans déontologie, qui, comme Cécile Boulaire et LB, se moquant de l'objectivité historique, jouent pourtant, tout en se moquant d'elle, en essayant de se faire passer pour des historiens de la littérature pour la jeunesse.

 

 

PAGE 178

 

Certains, tels Michel Gay ou Philippe Corentin, seront de bref Quistiens,

 

       Je pense que Philippe Corentin, qui n'aimait pas Quist et qui prit ma défense lorsque Florence Noiville attribua à Quist le mérite d'avoir eu l'initiative de publier Ionesco et Duras, serait capable de gifler LB pour ce qu'il considérera, j'en mets ma main au feu, comme une accusation diffamante

 

Étonnamment les magazines publiés par Bayard Presse furent beaucoup plus poreux aux illustrateurs révélés par le duo Quist-Ruy-Vidal.

 

       En matière d'illustration, en France et pour la France, c'est moi qui décidais et non pas Quist et moi, comme si nous étions des frères jumeaux ou des siamois.

 

       Je le faisais toujours par principe, par nationalisme, en imposant à Harlin Quist, puisque j'étais l'éditeur de la Sarl française, même si j'avais consenti à ce qu'elle porte son nom, mes choix d'illustrateurs-trices français alors qu'il était toujours et systématiquement hostile à ces choix, puisqu'il voulait toujours m'imposer, parce qu'il était hypernationaliste et suprématiste, ses illustrateurs américains blancs.

 

      Je ne lui reconnais qu'un seul mérite en illustration, celui d'avoir su choisir Rick Schreiter, Herbert Danska et Stanley Mack et pour ce qui est des illustrateurs français qui s'étaient expatriés, d'avoir reconnu les talents de Philippe Weisbecker et de Guy Billout.

 

      Par contre, je porte à son désavantage et même à son déshonneur de n'avoir pas employé, parce qu'il était Noir, Reynold Ruffin, alors que Wendy Kesselman le souhaitait pour qu'il illustre son livre Slash.

 

PAGE 182

 

Lorsque, le soir venu, il se retrouve en présence de François Ruy-Vidal au cocktail d’un éditeur tiers

 

      Cet éditeur mérite d'être nommé puisque c'était Insel Verlag qui achètera ensuite plusieurs livres que j'ai initiés et édités ou fait éditer.

 

Abstention qui donna à Claude Gallimard en 1972 l’opportunité de confier son nouveau département, Gallimard Jeunesse, à Pierre Marchand, qui y créera et développera de magnifiques collections.

 

        En donnant pour injonction à Pierre Marchand, alors que Claude Gallimard était déjà en relation intime avec Colette Duhamel, ma supportrice, ex-femme de Jacques Duhamel qui m'avait recruté pour que j'entre dans le groupe Hachette, de faire – non pas du Quist –,  mais du Ruy-Vidal sans Ruy-Vidal

 

 

 PAGE 206

 

Viviane Ezratty  écrit dans la postface du livre de Loïc Boyer 

 

Il a aussi repris des albums emblématiques de Christian Bruel : L’Histoire de Julie qui avait une ombre de garçon ou Les Chatouilles… mais il a fallu attendre 2018 pour voir Les Filles d’Agnès Rosensthiel rééditées par La ville brûle.  

 

      Voilà le genre de nom que j'aurais souhaité donner à une maison d'édition.

       Encore que Éditions des lires m'allait très bien puisqu'il m'aurait permis, si l'entreprise avait pu durer, d'associer sur la couverture, comme je souhaitais le faire, le nom de concepteurs différents, à la manière dont je comptais le faire, après Grasset Jeunesse, en 1977 aux Éditions Universitaires si Jean-Pierre Delarge n'avait usurpé en imposant son nom... 



22/03/2022