RUY-VIDAL CONCEPTEUR D'ÉDITION

RUY-VIDAL CONCEPTEUR D'ÉDITION

2019/07/15 NON A MA PARTICIPATION A L'EXPO BNF : NE LES LAISSEZ PAS LIRE

2019/07/15 A HV et A VE

 Chère Viviane et chère Hélène,

Je tire des conclusions :

Mon constat est que la sélection des livres faite par la BNF parmi ceux que j’ai publiés est plus que vague et fluctuante :

             On voulait au début:

                          la couv de Gertrude et le sirène

                          la couv de Sur la fenêtre le Géranium…

                          la couv de Théo la terreur + deux illustrations

            Puis dans un second temps on voulait :

                          La couv de Au Fil des jours s‘en vont les jours

            Enfin on ne veut plus que :

                          La couv de Pierre l’ébouriffé

                          La couv des Télémorphoses d’Alala

 

         Face à ces hésitations atermoiements, j’estime devoir faire un rappel des livres qui ont suscité des réserves, des contestations et des censures. Rappel qui s’adresse plus à vous Hélène et Viviane qu’aux organisatrices de la BNF ou à Mme Boulaire-Binaire de Tours.

        Mon vœu étant que l’une de vous deux, et pourquoi pas les deux, puissiez intervenir en connaissance de cause sur ce sujet de livres à ne pas laisser lire par des enfants.

        Un rappel qui sera le dernier sur ce sujet. Car je ne veux plus rien entendre après cela sur ce qui se passera à Paris et à Tours, sinon au besoin pour que mon avocat intervienne et que je dépose plainte.

        Ce rappel est le suivant : j’ai publié un peu plus de 150 livres de 1967 à 2003 et sur tous ces livres exposés à la vente, presque jamais cités par les 3 organismes nationaux de la congrégation Joieparleslivres-BNF-CNLJ, huit d’entre eux seulement de ces 150 livres ont été officiellement contestés, jugés inadaptés pour les enfants pour des raisons souvent de pudibonderie et parce qu’ils étaient, disons cela comme ça, légèrement en avance sur leur temps.

Mais ces huit livres-là ont été pour la Congrégation une occasion de, censurer – puisqu’ils n’étaient pas recommandés dans leurs bulletins d’information ou présentables et discutables dans les nombreux colloques qu'organisèrent les trois organismes de cette Congrégation à propos de livres pour la jeunesse –, et de boycotter tous les autres, qui par suite de ce silence qui tue, devenaient interdits “officieusement” d’exposition à la vente dans les 24 mille librairies qui n’étaient pas indépendantes puisqu’elles étaient affiliées aux grands groupes d’édition constituant, directement ou indirectement, le noyau d’existence et de soutien de cette Congrégation..

Ces huit livres sont :

              Pierre l’ébouriffé (1970) dans la première version illustrée par Claude Lapointe d’après mon adaptation des 9 contes d’avertissement écrits par le psychiatre Heinrich Hoffman en 1850.

              Motif : incitation des enfants à dire non à l’éducation et à faire une révolution

Bernadette Delarge, sur le conseil de Françoise Dolto, fera racheter, en 1978 par son mari Jean-Pierre Delarge, Pdg des Éditions universitaires-Jean-Pierre Delarge, dans mon dos, alors que j’étais directeur du département jeunesse, les illustrations de Claude Lapointe et republiera sous le même titre une version édulcorée de ce livre supervisée par Françoise Dolto.

 

              Gertrude et la sirène (1971) de Richard Hugues illustré par Nicole Claveloux.

              Motif : incitation à l’homosexualité. Jugement porté par Françoise Dolto dans son anathème de l’Express du 8 décembre 1972 contre tous les livres que j’avais publiés.

 

             Les Télémorphoses d’Alala (1971) de Guy Monréal illustré par Nicole Claveloux.

             Motif double: Le premier de la même Françoise Dolto en raison de l’encouragement à la prise de la pilule contraceptive et donc, selon elle – d’après les dires d’Armelle Béra, femme de François Béra le directeur de Diffédit qui distribuait nos livres, de l’incitation qu’il comportait de forniquer sans risques de procréation ou, mieux encore, de faire l’amour sans amour, simplement pour la jouissance sexuelle.

Le second parce que le livre représentait un mariage d’un Noir et d’une Blanche et qu’il allait encourager ce qu’on appelait alors un mariage interracial.

 

             Le Petit Poucet  Bien que préparé en 1968 il ne sera publié qu’en 1974 illustré par Claude Lapointe sur une adaptation fidèle à la trame choisie par Charles Perrault du conte traditionnel.                                                                   Motif : les critiques de droite prétendaient que je voulais politiser les enfants

Dans le cours de cette publication, dès le concept du livre déterminé dans mon esprit, mes rapports avec Michel Tournier, l’ont incité à écrire puisqu’il pensait que je n’allais pas assez loin dans la subversion du conte –ce qui n’était pas dans mes intentions – La fugue du Petit Poucet, illustré selon mes conseils, par mon illustrateur Alain Gauthier – à ne pas confondre avec Jean-Marie Gauthier l’illustrateur de La Brousse de Ray Bradbury–

Ainsi que par ailleurs, dans le prolongement de cette publication… mes liens et mes conversations avec Pierre Lafforgue, psychanalyste, parent d’Yves Navarre, sur ce sujet d’ogre et de dévoration des enfants qui l’incitèrent à écrire Petit Poucet deviendra Grand.

 

         Au fil des jours s’en vont les jours (1974): journal intime écrit et illustré par Danièle Bour Bour                                                                                                               

           Motif : le modèle de femme-mère-femme au foyer proposé aux enfants dont la seule charge n’est que de s’occuper de son mari et de ses enfants et d’entretenir son ménage. Un modèle de femme jugé périmé par les féministes parce que jugé trop soumis au machisme détenteur du pouvoir et frustré en conséquence, de ses droits et intérêts civiques et politiques.

          L’attaque venait de Françoise Giroud,  – celle qui avait publié, au titre de directrice de l’Express, l’anathème de Françoise Dolto en 1972 –  précisément lorsqu’elle avait été nommée par le PrésidentValéry Giscard d’Estaing, Jacques Chirac étant son premier ministre, à la direction du premier Secrétariat à la condition féminine, le jour de sa première conférence de presse. Ses objectifs étant de frapper un grand coup lors de sa prise de pouvoir afin de dynamiser et de ré-orienter le statut de la femme pour le soustraire au protectionnisme masculin.

 

          La Brousse (1977) de Ray Bradbury illustré par Jean-Marie Gauthier. Nouvelle  d’anticipation parue en 1951 aux États-Unis, que je lus en 1965 et qui fit partie de mes projets dès cette date. Mais que je dus reporter pour plusieurs raisons dont le refus de Jean-Claude Fasquelle en 74…                                                                                          

         Motif : incitation au détournement du complexe d’Œdipe et au parricide.

 

         Conte Numéro 3 pour enfants de plus de trois ans (1977) d’Eugène Ionesco illustré par Philippe Corentin.                                                                                   

          Motif : l’illustration jugée scandaleuse où l’on voit le boucher avec une tête de veau et la tête du boucher en vitrine dans le plat à tête de veau.

 

         Conte Numéro 4 pour enfants de plus de 3 ans(1977) d’Eugène Ionesco illustré par Nicole Claveloux.                        Motif : Une illustration montrant le papa de la petite Josette tout nu et sexe à l’air.

 

          La famille Adam (2003) de Michel Tournier, nouvelle choisie par moi, en 1975, sur manuscrit plutôt que Tupik que me conseillait l’auteur. Ces deux nouvelles seront publiées, avec d’autres, en 1978, dans Le coq de Bruyère.

         Motif : il était d’ordre catholique machiste et exactement à l’opposé des raisons qui m’avaient incité à publier cette nouvelle : j’estimais effectivement, en plein accord avec l’auteur, que le Dieu de la Genèse dont il parlait, le créateur du premier homme, Adam, était homme et femme à la fois – alors que Tournier employait une formule plus ambiguë «ni homme ni femme»–. Et que c’est en fonction de cette double sexualité qu’il créa Adam à son image. Donc homme et femme à la fois. Avant de créer ensuite Eve à partir de cette même équation homme et femme en séparant les deux sexes…

         La famille Adam sera illustrée par Alain Letort dès 1978, mais la maquette sera rejetée par le trio Jean-Pierre et Bernadette Delarge conseillés par Françoise Dolto qui tirait les ficelles en coulisses en 1978.

Puis après mon départ précipité des Éditions Universitaires-Jean-Pierre Delarge, cette maquette de La famille Adam sera de nouveau rejetée, en 1980, après pourtant avoir été acceptée par contrats par Catherine Scob et son mari Michel Scob, sur intervention de l’Église par l’entremise de l’archevêque Jean Vilnet, conseiller de Bernard Foulon directeur de Hatier..

        Au final, je ne pourrai publier le livre qu’en 2003 aux Éditions des Lires, soit 25 ans après sa conception et mise en œuvre.

 

         Ce qui me permet de penser pour conclure que cet expo de la BNF, c’est du n’importe quoi ! Réalisé certes à partir d’une idée d’un autre âge la publication du Laissez les lire de Geneviève Patte en 1978 par des gens d’une génération qui n’a rien à voir avec l’ostracisation que m’a imposée la clique de Geneviève Patte, mais qui ne me dit rien de bon puisque la BNF, tierce partie de la congrégation Joieparleslivres-CNLJ-BNF, hydre pour moi à la solde des grands groupes d’édition français, veut manifestement – pour ne parler que de mon cas en évitant de me mêler des autres livres en lisse – se dédouaner en parlant de deux ou trois livres qui portent ma signature et qui ont été sujets à des réserves. La vérité est qu’elle entend surtout se servir de l’anathème de Françoise Dolto et de son prestige pour faire applaudir certainement la virulence de sa charge et le fait qu’elle me considérait comme un danger public. Tout en pérennisant du même coup, belle occasion, la mise à l’index que cette Congrégation m’a imposé sur les 147 autres livres pendant cinquante ans.

        Citer et ne citer, après cinquante ans de silence, que quelques livres les plus controversés parmi les 150 que j’ai publiés, n’est pas pour moi la meilleure manière d’entrer dans les annales de cette Congrégation Nationale. Ni un honneur. Je ne vois là qu’une manœuvre pour faire encore un compliment indirect mais précis à l’extra voyance de Geneviève Patte et pour les désapprobations et censures qu’elle n’a cessé, par personnes interposées car elle n’est pas très franche ni courageuse (Catherine Bonhomme, Françoise Ballanger Evelyne Cévin et son mari Paul Fustier…) d’exercer contre l’ensemble des productions que j’ai publiées.

        Stratagème un peu facile pour cette congrégation, qui veut donner à penser qu’elle m’accorde ainsi une distinction pour 2 ou 3 livres, mais dans la pire des catégories : les livres à ne pas laisser lire aux enfants, en s’exonérant ainsi, du même coup, d’avoir déconsidérés tous les autres pendant plus de cinquante ans.

La continuité dans la dénégation et dans la retransmission de cette dénégation a été, quelles que soient les couleurs politiques des gouvernements qui se sont succédés, tellement homogène, et solidaire, et unanime pendant ces 50 dernières années, sans jamais la moindre voix pour s’élever contre cet hallali que je ne peux imaginer qu’elle puisse cesser un jour. Elle est inscrite dans les annales maintenant. Et si j’ai eu du mal à l’accepter puisque j’en ai pâti… j’ai bien été forcé de m’y résoudre et d’accepter que cette congrégation nationale me renie une fois pour toutes et pour toujours.

        Je mourrai avec ce sentiment-là. Alors, tout le reste !... n’a vraiment que très peu d’importance maintenant.

Qu’on ait recours à de jeunes oies blanches pour renouveler la tactique et ne pas reconnaître ses torts, crèvent les yeux.    

        Non coupables mais aux ordres sont ces nouvelles oies blanches parmi lesquels je situe des hommes bien entendu !  Marie-Pierre Liteaudon m’avait parlé d’un homme justement, dont j’ai oublié le nom, qui faisait partie de la BNF et qui, en 2017, aurait bien voulu s’intéresser à ce qu’il appelait “mon œuvre” mais qui finalement, après renseignements pris en haut lieu, dans sa hiérarchie de la Congrégation, et constat de la désapprobation que mon nom soulevait, avait préféré annulé son projet…

        Ces oies blanches, qu’on aurait tendance à comprendre et à absoudre, voudraient bien se servir des livres dont elles ont vaguement entendu dire qu’ils avaient été classés dans la catégorie des “à déconseiller” mais sans trop savoir pourquoi puisqu’elles n’ont pas connu les contextes et qu’il leur importe peu de les connaître…

Or, qu’elles cherchent ou non à connaître ces contextes ne m’intéresse plus. Pourquoi voulez-vous que je me fatigue à essayer de leur ouvrir les yeux. ?... J’ai fait cela ces trois dernières années avec Cécile Vergez-Sans et avec Marie-Pierre Liteaudon mais ne le recommencerai plus jamais.

 

           Avec une conclusion très nette qui me fait dire que cette exposition qui cherche à embrasser plusieurs sujets tirés de plusieurs contextes correspondant à diverses évolutions importantes de nos mœurs et des diverses adaptations que nos principes d’éducation de nos enfants ont eu à subir en fonction de cette évolution, ne peut avoir d’autres résultats qu’un “parsemage”enfumage, sorte de salmigondis sans véritable profondeur qui n’aura qu’un effet d’attraction et de curiosité superficielles sur les gens qui la visiteront…

          Ma sensation du “n’importe quoi” d’une telle entreprise me dicte de ne pas en faire partie. Et ce “n’importe quoi” n’a rien donc pour m’encourager à figurer et à donner la moindre autorisation…

D’autant plus que pour l’instant on ne m’a toujours pas dit ce qui pourrait être écrit en appoint des couvertures ou illustrations qui avaient été prévues alors que je sais par contre que Cécile Boulaire figure parmi les intervenants tandis qu’Isabelle Nières, Janine Kotwika et Viviane Ezratty n’y figurent pas

Donc pour solde de tout compte :

           Je ne donne aucune autorisation de quelque couverture ou image que ce soit et rejette donc tout contrat qui pourrait m’être proposé.

          Cette non-autorisation vaut aussi pour l’article de Dolto surligné par moi puisqu’on peut très bien retrouver dans le commerce un numéro de l’express daté du 8 décembre 72.

          Et pas question d’utiliser ma photo. Elle n’apporterait rien de plus à l’ensemble. Ce serait bien trop d’honneur fait à cet organisme qui n’a cessé de déblatérer sur mon compte et de me traiter comme mesdames Anne Schlumberger-Doll et Edmée de la Rochefoucauld, Geneviève Patte et Françoise Dolto souhaitaient qu’on me traite pour étouffer mon option d’édition et ne valoriser que celle qui correspondait à leur idée apédagogique d’éducation des enfants.

           Les photos de Cécile Boulaire et de Geneviève Patte, sa mère d’adoption, qui n’a jamais eu d’enfants, devraient suffire à la BNF pour attirer du monde. Du monde qui ressemble au monde bien-pensant et bien comme il faut, qu’elles ont défendu et qu’elles continuent de défendre.

          Maintenant libre à la Congrégation de montrer les 9 livres que j’ai cités plus haut. Faisant maintenant partie des livres rares, ils sont néanmoins libres d’accès et appartiennent à ceux qui les cherchent. Libres à ceux-là, ensuite, de les interpréter chacun à sa manière, de se faire une idée et de dire n’importe quoi dessus, à leur propos… Cela conformément à ce que j’ai toujours su, moi, respecter et que n’a jamais respecté, au prétexte du bien des enfants, la Congrégation Nationale tripartite Joieparleslivres-CNLJ-BNF : la liberté de penser et la liberté d’expression de chacun.

          Je m’arrangerai pour faire la sourde oreille et ne rien entendre.

          A bientôt ma chère Viviane, ma chère Hélène, en espérant en un autre jour où vous me parlerez de choses plus saines et plus toniques pour moi.

         Je vous embrasse. François.



15/07/2019